09 novembre 2010

Tendances

L’effrayant avec la propagande pernicieuse qui inonde quotidiennement les gens, c’est qu’elle obtient ses résultats sur la durée. Que l’on soit convaincu par les propos des médias, ou qu’au contraire l’on soit de ceux sceptiques cherchant l’information ailleurs, tôt ou tard on se heurte à un mur de silence. La forte conviction qu’il y a quelque chose d’autre caché derrière les réalités annoncées est alors figée, et l’esprit se raccroche aux fondamentaux : je suis sûr d’être en vie, je suis sûr d’avoir vu et entendu, je suis sûr que c’est ainsi. Or, savoir, croire, ce n’est qu’une seule et même définition, qui est hélas réduite à « je ne peux que voir jusqu’à un certain point ». Réduction de l’horizon mental ? En fait, c’est la barrière qu’on se construit pour soi, une forme perverse de protection contre le doute et les hésitations.

De quoi être sûr ? De quoi être convaincu ? La manipulation est un art consommé depuis l’aube de l’humanité. César a rédigé la guerre des Gaules pour convaincre les Romains du bien fondé de ses actions, Machiavel a écrit un véritable mode d’emploi politique, et plus proche de nous, tant Mao que Hitler ont publié un ouvre susceptible de manipuler et embrigader les masses. Mais nul besoin d’être un tyran pour obtenir des résultats analogues. La « fin » de la crise des retraites démontre concrètement les effets de la propagande médiatique : présentez un essoufflement des mouvements, affichez les errements de la foule, et le soutien populaire s’étiolera très rapidement. Les émeutiers, qui sont naturellement à exclure du mouvement, ont obtenu un contrecoup politique majeur, car, finalement, tous les syndicats marchant d’un même pas sont aujourd’hui à se disputer férocement pour savoir comment mener la suite des mouvements sociaux. C’est un jeu où les gouvernants ne peuvent que gagner. L’usure des bonnes volontés suffit généralement à briser les révoltes, et nul besoin d’user de la matraque pour parvenir à ses fins.

Que croire ? Les tendances sont fluctuantes, tant la culture et la morale générale varient avec le temps. Trois décennies ont suffi à changer le droit à l’avortement d’un scandale en légitime action pour les femmes. Deux décennies et l’informatique pour tous est presque réalisé, une décennie et l’information est devenue globalisée. Comme quoi, les cycles de mutations s’accélèrent, mais au détriment des hommes. Notre société perd chaque jour pied dans le bourbier consumériste, à tel point que les grandes tendances sont à présent des produits de consommation. Révolutionnaire dans l’âme ? Un livre, des films, des documentaires seront réalisés et vendus. En lutte contre le capital ? Votre mouvement sera récupéré, vernis pour passer à la télévision, et finalement tourné en ridicule par le manque flagrant de pouvoir électoral. Vous voulez être reconnu dans la société ? Les publicités sauront vous vendre les produits identitaires capables de vous laisser croire que vous êtes dans le système, et pas un paria bloqué à l’âge de pierre.

Le transfert des pouvoirs de la voix des électeurs, à celui de la voix des producteurs est un désastre. Qui pense librement ? Tout le monde ? Penser librement, c’est s’autoriser la critique, c’est avoir la possibilité de penser différemment, quitte à se tromper lourdement. Ecoutez votre entourage, prenez le temps d’analyser les phrases toutes faites, disséquez les mouvements d’opinion. Qui sont-ils ? Ils se font l’écho de clichés bien formatés et confortables, ils critiquent sans pour autant offrir quelque vue que ce soit sur un programme décent. Critiquer est fondamental, proposer l’est tout autant, or ce n’est majoritairement pas le cas. Et à qui profite le crime ? Au parti qui veut une rébellion, ou, plus pernicieusement, à celui qui est en place et qui démontre que sans proposition, point de solution ? La vindicte populaire contre la réforme des retraites en est une cinglante démonstration. Loin d’être correctement comprise ou même simplement débattue, les partis d’opposition se sont contentés de simplifier à outrance le débat. C’est là la meilleure manière de légitimer une décision qui, potentiellement, est réellement inepte ; Seulement, sans critique constructive, aucun moyen de mettre en doute quoi que ce soit.

Les tendances générales deviennent illisibles, car entre deux élections, les ondulations de l’opinion publique sont telles qu’on ne saurait lire correctement la carte politique Française. Quand le président Sarkozy a été élu, nombre de questions telles que la sécurité ou l’immigration servirent de terreau fertile pour un vote « sécuritaire ». Résultat des courses, au moment de la mise en œuvre de lois ayant un lien direct avec ces thématiques, la foule et les médias se sont réveillés en hurlant au scandale. Moi je hurle au scandale face à une foule versatile qui, le lundi, cherche un coupable parmi les étrangers, et qui, le mardi, fait du tiers-mondisme en prétextant une morale républicaine pour empêcher les expulsions. Où est l’honnêteté électorale et morale ? Où sommes-nous ? Dans un monde où l’opinion est clairement non aux mains des dirigeants ou des partis, mais à celles, plus manipulatrices, d’entreprises dictant de la bonne morale puante. Depuis le cinéma avec des acteurs « de couleur », jusqu’à la publicité qui se décide à mettre des étrangers dans les spots, tout est fait pour que notre bon cœur soit en émoi. De qui se moque-t-on ? Ce sont les mêmes firmes qui exploitent, voire réduisent en esclavage, des millions de personnes dans le tiers monde. Alors, dans quel but tout ce cirque médiatique ? Dans celui, évident, de faire de nous des bien pensants, de bons consommateurs dociles voire indolents.

Slogan du jour : n’oubliez jamais que votre bien-être est produit par des esclaves en Asie…

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