09 décembre 2010

Génome party

Si l’on réfléchit intelligemment sur le sujet de la génétique, force est de constater que le débat est terriblement délicat. D’un côté, nous pouvons à présent espérer de gros progrès thérapeutiques pour des millions de patients, comme par exemple les diabétiques, les hémophiles, ou encore pour soigner des pathologies plus rares. De l’autre, nous avons des firmes qui manipulent sans vergogne des animaux, des plantes, ceci pour le seul et unique but d’envisager un profit immédiat, que ce soit par le développement de résistances à des insectes, par la stérilisation des plantes pour s’assurer une obligation d’achat des semences, ou bien pour obtenir un rendement plus fort (croissance rapide des plantes, prise de poids pour les animaux). Dans ces conditions, débattre de génétique, c’est nécessairement un débat qui va dériver vers le financier et l’éthique.

J’aborde avec curiosité l’aspect économique, parce qu’il mérite réellement qu’on s’y attarde. Depuis de nombreuses années, des actions sont menées pour aider la recherche scientifique, ceci notamment lors du téléthon. Me concernant, cette action annuelle est méritoire, car elle rappelle aux masses que la différence et la maladie peuvent attendre n’importe qui. Donc, concrètement, je suis pour aider la science à offrir des solutions aux malades, surtout quand il s’agit de pathologies où les traitements traditionnels sont inefficaces. Mais de là, est-ce quelque chose de réellement acceptable ? Etudier, tester, et enfin produire des médicaments susceptibles d’intervenir sur le génome humain, cela représente des coûts non négligeables. Ne nous leurrons pas, il ne s’agit plus d’un Fleming bidouillant dans son laboratoire des échantillons de pénicilline, mais de grandes structures dépensant des milliards par an, appliquant des procédés terriblement complexes, et protégés par le sceau du secret. Dans ces conditions, ces industries privées veulent naturellement un retour sur investissement. La philanthropie n’a que peu de place dans l’entreprise, et c’est pourquoi on ajoute des brevets à la conception des médicaments.

Quelles conséquences ? Tout d’abord, la mise sur le marché du génome humain, où chaque industriel déposera un brevet protégeant ses découvertes. Au lieu d’avoir un patrimoine de l’humanité, nous aurons alors un patrimoine privé, géré, mercantilisé, ceci ne permettant en aucune façon une équité face à la maladie. Ensuite, en admettant que ces thérapies fonctionnent, les coûts seront probablement inabordables, et très certainement associées à des traitements au long cours, comme de la consommation de médicaments à vie. Qui pourra prétendre à des soins aussi complexes et dispendieux, si ce n’est la population riche du monde ? L’autre aspect terrifiant serait, à mes yeux, que les laboratoires s’assurent d’une relative « inefficacité » de leurs produits, de sorte à créer une dépendance perpétuelle des patients. Qui pourrait alors mettre en doute ces pratiques ? Un concurrent ? Un laboratoire indépendant ? Notons enfin une autre conséquence à long terme qui, pour moi, relève de la terreur pure et simple, à savoir la dissémination de ces substances modifiant la génétique humaine, ceci de manière indirecte. Depuis l’enfantement, où le fœtus profite du génome du père et de la mère, jusqu’aux dons du sang, il n’y a pas qu’une méthode pour qu’un gène humain passe d’un homme à un autre. Le risque est tout de même très fort que ces thérapies dégénèrent, qu’elles interviennent au-delà du patient lui-même, et que nous constations que trop tard que ces traitements ont amenés des déformations génétiques imprévues.

Pour ce qui est de la manipulation de notre alimentation, la question est élémentaire : a-t-on envie d’ingérer des produits dont la carte génétique est une construction artificielle ? Il faut tout de même savoir qu’aujourd’hui, il est quasi impossible de prétendre à n’avaler que des produits non modifiés, simplement parce que les OGM sont déjà présents à tous les étages de la production agroalimentaire : animaux trafiqués ou gavés d’anabolisants et autres hormones de croissance, fruits et légumes modifiés à outrance, soja transgénique utilisé comme base dans énormément de produits… Le profit en étendard, les géants de l’industrie ne se contentent plus de chercher des solutions pour améliorer le rendement, mais vont jusqu’à créer des cercles vicieux pour les producteurs. Le cas le plus connu est la stérilisation des graines. Jusqu’à récemment, un agriculteur récoltait ses céréales, puis gardait une partie de la récolte pour la semence de l’année suivante. A présent, plus de garde, puisque les graines sont stériles, le pied initial ne pouvant donner que des fruits impropres à la germination. Dans ces conditions, obligation d’aller se fournir chez l’industriel, donc de lui assurer la pérennité de ses bénéfices. L’aspect complémentaire et effrayant est que cette modification n’est visiblement pas totalement efficace, car les semis modifiés viennent à présent contaminer les champs « sains », voire même se mêler aux autres semences, ceci amenant à ce que des OGM soient présents ailleurs que là où ils étaient prévus. Quid des croisements génétiques avec des plans sains ? Quid des effets sur l’homme avec une alimentation dénaturée ?

Ethique, encore un mot qui fait peur, qui dérange, parce qu’elle est variable d’une personne à une autre. Bien souvent, le raisonnement tenu est « Dans le doute, ne faisons pas », ce qui est devenu le sacro-saint principe de précaution. Dans l’absolu, je ne doute pas que nombre de chercheurs acceptent ce précepte comme une règle d’or, d’autant plus qu’ils sont tout de même capables d’avoir une certaine morale. En revanche, je reste perplexe sur le fait que tous soient atteints par cette tare qui se nomme conscience. L’histoire n’est pas avare en exemples atroces de « chercheurs », pratiquant la vivisection sur l’homme, soutenant l’eugénisme, ou encore n’hésitant pas à tuer pour obtenir de pseudo résultats. Qui croire ? Ceux qui affirment que la génétique, bien contrôlée, offre des perspectives sans précédent, ou bien s’en méfier en songeant aux mauvais films de SF ? Clonage, manipulations pour obtenir des surhommes, massacre des populations à l’aide d’armes génétiques, la SF s’est emparée du sujet pour en décrire les pires possibilités. Rien n’empêche, hélas, de douter de la capacité de l’homme à se tourner vers de telles méthodes, si infâmes soient-elles. N’a-t-on pas assisté à des génocides ? N’a-t-on pas jugé des bourreaux pour cela ? De quoi pourrait relever un crime aussi atroce que l’anéantissement de populations entières, ceci par l’usage d’armes génétiques ? Et quel devenir pour l’humanité en cas de conflit s’appuyant sur de telles technologies ?

La question du bien fondé de l’étude de la génétique n’est plus d’actualité. Il faut que nous progressions, que nous en utilisions, à mon sens, le potentiel de soins et de progrès pour l’homme que peut cacher cet assemblage complexe en double ellipse. Mais savoir qui sera le garde-fou suprême, qui pourra bloquer des actions inacceptables, là je suis déjà plus circonspect. A la lumière de l’attitude de l’humanité, il y a peu de doutes à fonder sur le fait que l’homme ira dans la mauvaise direction pendant un temps, puis se ravisera, après avoir payé chèrement ses erreurs. Prions pour que cela ne soit pas sa dernière.

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