28 février 2011

Information bancale

Je me dois d’être honnête : je vilipende constamment tant l’inconséquence que l’incompétence des scribouillards, au titre qu’au mieux ils déforment la vérité, au pire ils passent littéralement à côté de la cible. Ainsi, suivre l’actualité est bien trop souvent un challenge plus qu’une chose aisée pour le tout à chacun, d’autant plus quand la situation se révèle complexe. Ces dernières semaines ont étés le théâtre d’évènements jusqu’à présent improbables, notamment l’effondrement de nombre de gouvernements despotiques au maghreb. Alors, doit-on estimer que le manque de réalisme et de vision des journalistes est pardonnable, puisque même les diplomates se seraient eux-mêmes fourvoyés ? Raisonnons ensemble et interrogeons nous sur l’impact qu’ont eues ces révolutions sur notre façon d’appréhender les médias.

Commençons par un des aspects les plus pénibles : la démission de Michèle Alliot-Marie (MAM pour les pseudos intimes). On lui a reproché, en substance, d’avoir copinée avec les élites de la dictature tunisienne, et d’avoir tenu des propos mal placés, et surtout, au mauvais moment. Qu’elle ait cédée sa place, faute de pouvoir restaurer sa crédibilité, fait partie des évènements assez classiques dans les gouvernements. En revanche, j’affirme qu’elle a joué le rôle de fusible médiatique, assumant ainsi toutes les erreurs de chacun, et surtout notre incapacité générale à faire preuve de discernement. MAM n’est pas, et ne sera jamais l’étendard de l’incompétence Française en matière de politique ; elle n’est qu’un des maillons d’un demi-siècle de politique néo coloniale, d’indulgence infâme envers les despotes, et qui, finalement, au pire moment, a continué cette même politique. Une erreur ? Oui, bien sûr, MAM n’a pas été capable de sentir le changement en Tunisie, mais, mine de rien, qui l’a été ? Cela vous semble normal qu’elle soit la lampiste pour les autres ? Prenons un regard critique : ces mêmes médias qui lui ont décernée la médaille de la « pire pourriture » n’ont pas été plus clairvoyants, pas plus qu’ils ont été capables d’annoncer le vent de révolution là-bas. Etrange comme attitude tout de même : le lundi, on ne parle que vaguement de quelques échauffourées, le mardi on monte un dossier sur la ministre, le mercredi on se félicité de la révolution qui est parvenue à démettre un président visiblement haï. Mais à quand remonte cette situation ? Qui était réellement au courant en France ? Les diplomates, les médias, les politiques, quelques personnes averties… Mais bizarrement, cela n’a jamais fait la une de ces damnés médias. Avant de vouloir faire la leçon aux autres, pensez aussi à être propres ! Le canard enchaîné n’a, à ce que je sache, pas été l’écho permanent du désastre Tunisien… Enfin bon, comme d’habitude hélas !

Il y a un second point qui me met passablement en colère, c’est celui de l’attitude des plus désinvolte de certains diplomates. Ils se sont regroupés pour émettre un document dans le journal « Le monde » pour critiquer la politique diplomatique Française, et ainsi mettre directement en accusation le président de la république. Sur le fond, je peux tout à fait admettre qu’ils soient remontés, car la France pratique à présent une diplomatie réaliste, fondée sur la gestion avant tout économique et politique, plutôt que morale. Moi, ce qui me dérange, c’est la forme et la responsabilité de chacun. Pourquoi avoir laissé ce document sous une forme anonyme ? Je trouve cela indigne de la part de gens qui sont supposés assumer une responsabilité morale, et représenter la France à l’étranger. Auraient-ils craints des sanctions de la part du gouvernement ? Quand on a des opinions, on les assume entièrement, ou on se tait. Mon second écueil sur la forme est la responsabilité d’un diplomate. Quelle est-elle ? Le diplomate n’a pas pour rôle d’avoir une opinion, mais au contraire d’être un porte-parole pour l’opinion de la France, donc celle du gouvernement. Si le système ne leur convient pas, la démission n’a rien d’impossible… Mais j’oubliais que l’honneur n’est pas à mettre en balance avec une carrière. La diplomatie, c’est l’art de connaître le pays étranger, d’avoir des interlocuteurs, se créer des réseaux d’information, et de les restituer aux gouvernants pour qu’ils agissent. Qu’ils reprochent au gouvernement de n’avoir pas tenu compte de leurs alertes, ça n’a rien d’impossible, mais cela impose à tous de les croire sur parole. En revanche, sait-on s’ils ont été eux-mêmes actifs pour s’entretenir avec les opposants aux régimes en place ? Qu’ont-ils faits ou dits à ces opposants ? Quand je parlais d’assumer un rôle de diplomate, je voulais bel et bien dire faire intégralement son travail, tant d’informer le pays étranger où l’on est en poste, que d’être un agent actif du renseignement. Dans ces conditions, ce document n’a, malheureusement, plus aucune valeur, puisqu’il n’est absolument pas assumé par ses rédacteurs. Et l’on vient dire à MAM qu’elle s’est mal comportée ? Ils sont plus odieux qu’elles, car ils ne se montrent absolument pas à la hauteur de leurs responsabilités, tant morale que politique.

Le dernier point qui provoque une crise d’urticaire avec les médias est le sensationnalisme à outrance. Nombre de situations sont décrites avec tellement d’obscurité qu’elles semblent provenir de pays en guerre. Or, pour le moment, l’histoire n’est pas encore écrite, et nous ignorons toujours tous les faits. Montrer des massacres, interviewer quelques témoins pris au hasard, ce n’est pas de l’information, c’est tout juste digne du « nouveau détective ». Cela me met hors de moi, car cela me rappelle les heures sombres de la guerre en Yougoslavie : on désinforme, on déforme les vérités, on crucifie les perdants, on fait des vainqueurs des hérauts. Sont-ils devenus aveugles ? Peut-on glorifier des partis comme celui des frères musulmans ? Ne sont-ils pas l’image de l’islam que nul ne veut voir au pouvoir ? Ils pèsent dans les pays en proie à la révolte, et sont capables de prendre le pouvoir. Comme je l’ai déjà dit, j’espère que la Tunisie, la Libye, l’Egypte sauront se doter d’une véritable démocratie, au lieu de se laisser séduire par l’intégrisme. Le rôle des pays comme la France doit être celui du conseil, de l’assistance, d’apporter des méthodes, des règles, pour que ces nations blessées puissent se reconstruire sans dériver vers un nouvel Iran à la gouvernance atrophiée par la religion. Kadhafi résiste encore un peu à Tripoli. Il s’accroche à un pouvoir qu’il perd un peu plus chaque jour. Nombre de villes sont aujourd’hui hors de contrôle. Et nous parlons, dans les médias, de « villes libérées ». Quelle bêtise leur passe par la tête ?! Une ville libérée, c’est une ville où une autorité, quelque soit celle-ci, gère la situation à travers une « police » de transition. Il n’y a, pour l’heure, pas de gouvernement de substitution, pas plus qu’il n’y a une police qui soit acceptée par la population. Donc non, ces villes ne sont pas libérées, elles sont uniquement « libérées » du contrôle de la capitale. Je crains autant l’anarchie que le despotisme, et nous ne savons pas comment tombera, ou pas, le colonel président.

Les médias relatent des faits en principe, pas des choses modifiées selon notre bon vouloir. La France pratique depuis des décennies le jeu des despotes, car ils ont été les garants d’une immigration contenue, de matières premières peu chères, et de situations politiques stables. La chute des Ben Ali et consoeurs n’apportent pour l’heure qu’une anarchie, et nous risquons bien d’en payer, par contrecoup, un prix plus élevé que celui auquel nous nous attendions. Et là, je ne parle pas que d’une problématique économique avec le pétrole. Quid des gens qui fuient leur pays ? Quid du temps de remise en cause des institutions ? Quid de nos responsabilités vis-à-vis de populations désoeuvrées, faute d’être payées le juste prix de leur labeur ? Quid des prochaines élections ? Les diplomates en place devront composer avec ceux qui prendront le pouvoir. J’attends avec impatience et un certain cynisme le prochain président Tunisien par exemple. Que fera la diplomatie Française, celle qui se prétend moralement irréprochable dans la lettre ouverte du Monde ? Elle fera ce qu’elle devra faire : tergiverser, négocier avec un élu qui pourrait tout aussi bien être un nouveau dictateur… Comme quoi, passer d’un monstre à un autre n’empêchera pas à nos équipes de continuer leur travail… Douce ironie, quand tu me tiens ! Et quelle sera la réaction de l’élu en question ? Va-t-il accueillir la diplomatie Française à bras ouverts, ou va-t-il (comme je le ferais moi) la critiquer ou lui rire au nez en disant juste « Et c’est maintenant que vous considérez que mon pays a besoin de démocratie ? C’est un peu tard ».

A bon entendeur…

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