30 mars 2011

Balade en stade

Je commence cette chronique avec un avertissement de taille pour les amateurs du football : je ne suis pas, et ne serai jamais un amateur averti du ballon rond. Pourquoi ? Parce que j’ai en horreur que des types outrageusement riches, mal éduqués, intolérants et profondément nombrilistes viennent agiter leurs gambettes sous mes narines sensibles. Dans ces conditions, hormis peut-être certaines compétitions internationales où ce sont les nations et non les sponsors qui s’affrontent, j’ai un mal de chien à supporter le football sous sa forme actuelle. Mercantile, médiatisé à outrance, les joueurs oscillent entre le ridicule des propos, et la profonde débilité de l’attitude inacceptable. Je ne referai pas un résumé de l’épisode « Equipe de France s’en va faire n’importe quoi en Afrique du Sud », mais rien que d’y songer devrait vous mettre sur la voie de mon dégoût pour ces types.

Maintenant, passons un peu au sujet qui me préoccupe. Hier soir, j’ai assisté à un match amical entre la France et la Croatie. Les deux nations étant mes pays de cœur et de sang, je n’ai pas pu refuser une telle opportunité de voir un match dans un grand stade (le stade de France en l’occurrence), ni me priver de la chance d’enfin goûter à l’ambiance si prisée des supporters du ballon rond. Dans ces conditions, va pour aller regarder 22 types cavaler sur le gazon fraîchement tondu ! Après tout, je pourrai dire « J’y suis allé, je sais de quoi il en retourne ». Je dois dire que je n’ai pas été déçu, et ce à plus d’un titre !

Déjà, première bonne surprise : le stade en lui-même et son organisation. Un seul mot me vient à l’esprit : irréprochable. Tant en propreté qu’en gestion de la foule, le grand stade est particulièrement agréable, à tel point que je n’ai rien à redire. Pour une fois que je vois un gros truc fonctionner sans écueil, difficile de faire la fine bouche. Mieux encore : au lieu de laisser mijoter les spectateurs, l’organisation s’échine à trouver des moyens d’occuper la foule, à tel point que je n’ai pas vu le temps passer. Je m’attendais à faire le « mort » sur un siège étriqué, cerné par une masse beuglante plus proche du fanatisme que de l’amour du beau jeu… Et ce fut un loisir familial, avec des gamins s’amusant du match, des personnes âgées respectées par tout le monde, bref, un spectacle tant sur la pelouse que dans les gradins. Rien que pour cela, je remercie humblement les équipes du stade de France. Ils font un boulot réellement formidable, avec un sourire avenant, et une gentillesse devenue trop rare.

Côté terrain, l’observation fut de mise. Tout d’abord intimidé par l’ampleur de la construction, j’ai rapidement été pris au jeu, tout en gardant un regard passablement chronique. Regarder un stade, c’est voir l’entrée sur le terrain, c’est observer les gradins, leur agencement, saisir la présence discrète mais efficace d’un service de sécurité rompu à la gestion de crise. Alors là, franchement, le football, c’est à mes yeux le système des gladiateurs : une entrée en fanfare, un pas athlétique sensée mettre en valeur les qualités des joueurs, c’est un positionnement strict qui fait plus penser à un légion qu’à des sportifs, et c’est enfin une foule qui hue et qui applaudit sans arrêt. Qu’est-ce donc ? Une arène avec des gladiateurs ! Mais c’est bien sûr ! Au lieu de se faire des politesses, les joueurs se font donc des vacheries, quelques coups tantôt discrets, tantôt brutaux, le tout avec l’accord d’une partie du public. Dans ces conditions, j’ai pu voir ce que Rome considérait comme un passe-temps vital : tuer ou être tué. Il ne leur a manqué que des armes pour que nous puissions revivre les bons vieux duels… Ou alors quelques fauves, histoire de corser un peu le jeu !

Côté spectateur, j’ai pu voir un autre phénomène assez étrange. Les supporters, contrairement à la majorité silencieuse, ont la mémoire très solide, et la rancune particulièrement tenace. Sans m’étaler, l’entrée de Ribéry a provoqué une montée franche de huées justifiées, juste un peu contrebalancée par des applaudissements épars mais bien présents. Comme quoi, le sujet divise encore, comme si la présence d’un personnage emblématique de la crise sud-africaine dérangeait. Personnellement, elle ne m’a pas dérangé : elle m’a littéralement horripilé. Mais bon, passons. De fait, les tribunes sont donc un macrocosme où se mélangent des gens d’horizons divers, avec des opinions parfois totalement opposées, et chaque siège peut devenir, l’espace d’un instant, le site de la naissance d’un « expert » aussi temporaire qu’incompétent. Amusant, surprenant, mais parfois inquiétant. Et si le match se passe mal, sont-ils toujours sereins, ou bien casseront-ils le mobilier, et accessoirement la gueule des supporters d’en face ?

Pour finir, je dois admettre avoir apprécié le match en lui-même, bien qu’il semble ne pas avoir été d’un bon niveau. Qu’importe : j’ai goûté au stade, j’ai pu découvrir ce qui arrive à attirer des dizaines de milliers de personnes dans les stades chaque week-end. Mon seul véritable reproche ? C’est que l’individu est un fanatique potentiel, et qui parfois a du mal à se contenir. Les gens sont vraiment cons parfois : admirer un type qui fait vingt fois votre salaire, et qui vous toise en vous prenant pour des larbins… Cela me dépasse. Mais moi aussi, je dois être con, puisque qu’une majorité semble savoir de quoi il en retourne…

Vive le foot ? heuuu… Pour les autres, oui, pour moi…

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