15 mars 2011

Je pensais

Je pensais pouvoir sereinement souhaiter le plus bel anniversaire possible à une amie de cœur, à quelqu’un à qui je tiens énormément, mais les faits sont là, il y a parfois des situations qui font que l’on ne peut décemment pas taire d’autres évènements. Je sais qu’elle ne m’en voudra pas de ne pas m’étaler sur les sentiments qui me rapprochent d’elle, de la tendresse que j’ai pour cette personne qui sait me redonner le sourire, qui sait être là quand j’en ai besoin, qui m’apporte cette part d’humanité dont je me suis parfois délesté. Je te souhaite un joyeux anniversaire ma belle violette, ma douce ancolie, mais j’ai le cœur en berne, et l’esprit tourné vers le Japon.

Tous, nous l’avons lu, nous avons vu ce pays être dévasté par plusieurs tremblements de terre, puis rasé par des tsunamis. A présent, le nucléaire prend le relais pour terrifier le monde. Le spectre infernal de Tchernobyl est là, planant tel un vautour sur Fukushima, provoquant la crainte d’un nouveau désastre, et qui relance, malheureusement, les vieux débats sur la sécurité du nucléaire civil. Tas d’imbéciles, tas d’irresponsables, vous rendez-vous compte de votre égocentrisme et de votre égoïsme ? Est-ce qu’il est urgent de se préoccuper de soi, au lieu de se préoccuper d’un pays dévasté, qui a vu des villes entières disparaître avec leurs habitants ? N’avez-vous tout simplement pas honte d’être là à porter un jugement, au lieu de simplement déclarer que vous soutenez le peuple Japonais ? J’ai honte pour cette nation d’ingrats, pour cette population d’imbéciles qui ne pensent qu’à court terme. Ah oui, le nucléaire c’est dangereux, c’est malsain, cela peut provoquer des risques majeurs, mais parmi ces détracteurs de l’atome, combien seront prêts à payer une addition énergétique doublée pour se débarrasser de nos centrales… Tiens, il n’y a plus personne pour se bousculer au portillon et ouvrir le portefeuille. Je suis furieux, écoeuré de les écouter geindre à tort et à travers, d’autant plus qu’ils perdent de vue que nous n’avons, pour l’heure, aucune solution viable pour maintenir des coûts acceptables, tout en ayant une production énergétique de masse. C’est si facile de dire « Il faut changer ! », sans proposer d’alternative. Moi aussi je peux le faire ça ! « Débarrassons nous des despotes, des monstres, des bouchers, des barbares. Remplaçons les gouvernements iniques, pour y positionner de vrais démocrates, tolérants et raisonnables ! ». Et je propose qui, pour faire ce boulot de fond ? Pourritures ! Egoïstes !

Le Japon est actuellement un pays sinistré, qui voit sa population souffrir, et qui impose un travail ignoble et pourtant nécessaire de fouiller les décombres pour y trouver les dépouilles. Je ne pense pas qu’il y ait parmi ces chers imbéciles qui que ce soit qui ait, un jour, dû tenir une pelle pour creuser une fosse commune, ou qui ait eu le devoir de sortir des corps d’enfants de la boue et des ruines d’une maison. Je ne sais pas comment je pourrais supporter ce genre de tâche, quant bien même est-elle indispensable pour reprendre une existence décente. Aujourd’hui, les villes et villages dévastés sont des charniers où la boue et les décombres couvrent encore l’ampleur réelle du désastre. Dans quelques années, le Japon sera orné de cimetières où l’on pourra lire la même date de décès, la même cause, la même souffrance sans comparaison. Et nous trouvons encore le moyen de critiquer la nation Japonaise. Allez-y, salopards, allez sur place prendre une pioche et une pelle, allez déblayer ces tombes, allez donner la force de vos bras, au lieu de donner la force de votre grande gueule !

Oui, le nucléaire fait peur. Oui, un nouveau Tchernobyl me fait tout autant frémir que vous. Je n’ai pas envie que le Japon ait à connaître un troisième désastre nucléaire. Cette nation a connu Hiroshima et Nagasaki, et nous autres, Européens bassement rassurés par notre sécurité relative, nous ignorons tout ou presque de ce qu’est la peur de l’atome. Le pays est traumatisé par l’atrocité des radiations, à tel point que la culture populaire en est profondément imprégné. Cinéma, BD, dessins animés, la bombe atomique, la radioactivité y est présente à tous les niveaux. Eux savent ce que c’est, de voir des proches être brûlés par les radiations, de voir des gosses avoir un goitre parce que la thyroïde a été saturée en iode radioactive. Nous sommes lamentables à les critiquer. Moi, j’admire ce peuple si digne, si courageux, si fier. Oui, nous pouvons reprocher aux Japonais d’être protectionnistes et fondamentalement nationalistes, mais eux savent ce que représente l’entraide. J’ai un profond respect pour celles et ceux qui ont le courage de rester debout, malgré tout, malgré l’horreur, malgré la mort. J’ai vu une photo emblématique (dommage que je n’arrive pas à remettre la main dessus) : une adolescente est là, les vêtements sales, déchirés. Elle est assise sur les ruines de sa maison. Tous ses proches sont morts, mais elle n’est pas effondrée, au contraire, on peut lire dans son regard la détermination de vivre, coûte que coûte, d’être à la hauteur des espérances et aspirations de son peuple. CA, c’est de la fierté ! CA, c’est une valeur morale. Qu’elle ne plaise pas à tout le monde, honnêtement, je m’en contrefous totalement. Allez au diable, vous autres critiques, râleurs et autres abrutis toujours prêts à aller de votre commentaire puant. Je suis fier de dire et de revendiquer que les Japonais sont des gens biens !

Enfin, le débat du nucléaire est reparti, parce qu’il faut bien un prétexte pour le relancer. Dites, pourritures sans cœur, oubliez-vous les ouvriers qui risquent leur vie pour tenter d’endiguer le désastre ? Fukushima a subi une situation improbable, une apocalypse, et malgré tout, malgré la peur des radiations, malgré la crainte des explosions à répétition, des ouvriers sont en train de se dédier corps et âme à la tâche de préserver la population. Les populations locales ont été évacuées, par mesure logique de précaution. Mais là, à deux pas des barres de combustibles qui menacent d’entrer en fusion, il y a des hommes et des femmes qui luttent pour qu’un nouveau Tchernobyl n’arrive pas. Ils sont comme les liquidateurs, ils savent ce qu’ils risquent, ils connaissent très bien les conséquences d’une trop forte exposition. Mais ils retournent au travail. Ils meurent, soit à petit feu, soit tués par les explosions d’hydrogène. Ils se battent contre l’enfer radioactif. Ils luttent, pied à pied, pour que l’avenir de leur pays ne soit pas celui de la zone d’exclusion de Tchernobyl. Au lieu de la ramener, tas d’ordures prétentieuses, gardez un silence respectueux pour celles et ceux qui sont là-bas, au cœur d’une bataille peut-être déjà perdue, qui feront l’impossible pour que le monde n’ait pas à vivre un second désastre nucléaire. Merci à eux.

Je m’incline respectueusement, avec humilité, devant ces gens qui se tiennent debout avec dignité. Ils ont au cœur ce que je voudrais que le monde connaisse : l’authentique respect pour l’honneur, celui qu’on ne comprend pas, celui qui semble avoir disparu depuis bien longtemps des cœurs des Européens. Nous n’avons pas cette qualité d’avoir une pensée pour ceux qui avancent, pour ceux qui n’abandonnent pas au premier chaos sur leur route. Je garde la tête baissée, bien bas, incliné pour marquer ma position inférieure face à ce peuple. Japonais, toi l’asiatique, toi qui aujourd’hui vis l’horreur et la peur, toi qui vas devoir se battre pendant des années pour reconstruire ta nation, je te salue humblement. Je me sens petit et faible, je me sens indigne de ton salut, je me sens incapable d’être à ta hauteur morale. J’ai vu, à la télévision, comme tout le monde, ces gens qui errent dans les ruines. Regardez les correctement, ne voyez pas des gens perdus, des désespérés. Regardez attentivement leurs yeux, et lisez dedans le véritable message que ces yeux contiennent : nous ne cèderons jamais, nous n’abandonnerons jamais. Nous avons subi, nous subirons encore, mais jamais l’adversité n’aura raison de notre détermination.

Peuple du Japon, je te salue !

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