28 mars 2011

Surprise ?

Je suis particulièrement amusé par les réactions qui peuvent émerger suite à des votes nationaux. Généralement, les analystes se vautrent lamentablement, et leur lecture de la carte politique se révèle au mieux erronée, au pire en total décalage avec la réalité. A croire que l’incompétence soit un critère de sélection pour cette profession. Je suis intimement convaincu que la plupart se concentrent sur les résultats bruts des sondages, puis se posent quelques interrogations sur la popularité des différents candidats. Or, c’est oublier une particularité bien de chez nous, à savoir que les urnes sont généralement utilisées non pas pour prendre une décision, mais bel et bien pour sanctionner un parti. Dans ces conditions, croire que les Français aient compris les enjeux des cantonales, c’est croire qu’ils se soient inquiétés de quoi que ce d’autre que d’eux-mêmes.

Force est de constater qu’il y a pas mal de choses à conclure (temporairement) de ce vote. Dans un premier temps, l’abstention est si signifiante qu’elle a probablement faussée la carte dans certaines régions. En effet, à partir d’un certain pourcentage, le vote ne peut plus être crédible. Pourquoi ? Parce que l’abstention est majoritairement le résultat des indécis, ou bien de ceux qui se désintéressent totalement de la politique. En revanche, ces désistements de responsabilité font fortement le jeu des partis plus radicaux qui, eux, arrivent systématiquement à mobiliser leurs troupes. Quoi qu’il en soit, c’est la gauche qui sort gagnante du scrutin, à un bémol près tout de même. Est-ce réellement une victoire de la gauche, ou bien, dans les triangulaires avec le FN notamment, une victoire par assistance de la droite ? L’analyse de chaque résultat serait nécessaire pour en tirer des conclusions, mais, à mon sens, on ne peut pas parler d’une véritable réussite électorale. Une vraie réussite, cela aurait été de mobiliser les troupes, et non pas gagner le cœur que de la moitié des votants. Au surplus, l’abstention provoque maintenant des débats sur l’éventuel décompte des votes blancs, chose qui dérange depuis des décennies. Dans ces conditions, on ne peut décemment pas croire que la gauche soit si fière de son résultat.

Le second aspect intéressant à conclure des résultats, c’est que le vote s’est révélé être de sanction. On ne peut pas franchement analyser la globalité du scrutin sans y percevoir une forme de vengeance par les urnes contre le gouvernement. De là, les conséquences sont inquiétantes : est ce que les Français vont procéder de même lors d’une élection aux enjeux plus importants ? On peut se souvenir des votes sanctions lors de la présidentielle de 2002, ou pour la constitution Européenne. C’est une manière assez dangereuse et excentrique d’agir, car en bout de chemin, il n’y a que le chaos. Voter contre une personne, au lieu de voter pour une idée, cela ne peut que brouiller le résultat. C’est aussi pour ça que la gauche mentionne, mais que du bout des lèvres, qu’ils doivent cette victoire à un vote contestataire. En déduire que les votes de gauche sont une concentration de personnes qui râlent… Je ne ferai pas ce pas.

Le dernier aspect est la relative poussée du FN, mais avec un résultat plutôt faible. Les gens craignent un nouveau 2002, et ceux mêmes qui sont allés voter se sont bien gardés d’offrir des postes à des élus FN. Pourquoi ? Parce qu’il y a une contradiction : nombre de Français votent FN non par conviction, mais, encore une fois, par contestation. Or, la contestation passe en ce moment par un vote à gauche. Je suis intimement convaincu que le vote de gauche n’est pas un choix politique, mais pour beaucoup une façon de marquer sa différence. Voter à droite, c’est voter sécurité, bourgeoisie, finances. Voter à gauche, c’est voter écolo, voter morale, voter social. Est-ce vraiment une façon de concevoir la politique ? Je crains qu’il s’agisse donc d’une forme de militantisme identitaire, plus que d’une véritable adhésion à un programme ou à des thèses. C’est donc, encore une fois, une manière détournée de brouiller la carte politique nationale.

A terme, on devrait se méfier des résultats. Je crois que le FN a pâti de la « fraîcheur » de Marine le Pen. Je crois également que l’aspect politique de cette élection reflète surtout une volonté de mettre en garde les élus, plus que d’en choisir un avec soin. Je crois enfin que l’abstention ne saurait être réduite par des mesures comme le vote obligatoire, ou le décompte des votes blancs. Que va-t-on faire si le blanc l’emporte ? Rejouer les élections ? Ne rêvons pas : c’est à nos élus de se montrer convaincants, pas aux électeurs de se sentir obligés d’agir, même si le devoir électoral a un sens. Il faut toutefois raison garder : la poussée FN n’est, pour l’heure, pas encore signifiante. Je me mettrai à la craindre quand les élus de ce parti se mettront à revendiquer plus ouvertement leur appartenance. Par « miracle », il y a un front commun contre le FN… Mais n’est-ce pas là la logique d’un parti unique… donc d’une dictature en puissance ? A nous d’en définir les frontières, et de ne surtout pas se pencher au-delà du raisonnable. Autant certaines thèses des votants FN m’inquiètent, autant je suis plus inquiet encore quand j’entends les thèses à gauche. Où se positionner ? Libre à chacun de faire son choix, mais faites le pour l’élu, pas contre l’élu en place.

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