06 avril 2011

Dictionnaire personnel

Cela fait longtemps que je ne me suis pas fendu de faire quelques définitions pour un dictionnaire improbable. En effet, je me suis plus concentré sur un chantier très personnel que sur le blog (vous l’aurez constaté), ce qui eut pour effet d’espacer quelque peu mes chroniques. Là, pour le plaisir égoïste de rire, je reprends donc quelques mots apparemment anodins pour en tirer l’essence linguistique, et vous livrer des descriptions totalement incongrues, mais particulièrement jouissives (pour moi en tout cas).

Si vous avez des mots que vous désirez voir décrits, n’hésitez pas, les commentaires sont là pour ça.

Livre :
Objet généralement rectangulaire, fait de papier et d’encre et d’un soupçon de colle, le livre pèse généralement son poids, ce qui en fait un article de choix pour surcharger les étagères. Le livre a pour fonction première de conserver la connaissance humaine, ou de maintenir les rêves dans un état acceptable de présentation pour le tout venant. Bien qu’il ait été convenu que le livre soit fait de bois et non pas de pierre, il arrive parfois que le livre puisse être d’un poids énorme dans l’histoire de l’humanité. Ainsi, on trouvera quelques œuvres magistrales comme la guerre des Gaules de Jules César, la Bible, ou encore la série des « Où est Charlie ? ».
Le livre, bien que fait de matière organique, n’est pas un bon combustible pour le chauffage. La preuve en est que les autodafés n’ont jamais eu un gros succès, et que les gens préfèrent tout de même les conserver chez eux, quitte à avoir un peu plus froid que d’habitude.
Enfin, le livre est une arme. Entendons nous bien : il ne s’agit pas d’utiliser les livres comme des munitions, parce que c’est idiot d’une part, et d’autre part parce que nombre d’auteurs sont infoutus d’atteindre un quota acceptable de pages. En conséquence, le livre n’est une arme que s’il est lu avec soin, ou au contraire quand il est interprété à loisir par quelque fanatique se cherchant un bon prétexte pour cogner ses voisins. Dans ces conditions, il est plus efficace de lire les livres pour avoir des munitions, que de les stocker pour espérer les balancer sur la tronche des abrutis que nous croisons tous les jours. Quoique, certains mériteraient de prendre un orage de volumes de la Britannica, cela pourrait peut-être, qui sait, leur mettre du plomb dans la cervelle (encore que le fusil soit plus pratique pour ce dernier usage).

Téléphone :
Horreur scandaleuse due à l’escroquerie d’Edison envers Tesla, qui n’a pour seul but dans l’existence que de vous pourrir la vie. Ce bidule honni a pris énormément de formes : depuis les balbutiements en bois et cuivre, jusqu’aux petites machines en plastique et écran tactile, le téléphone est protéiforme, et s’accorde, en principe, avec tous les intérieurs de salon ou de poche. Pourtant, le téléphone est l’ennemi de l’homme. De manière impromptue, il aime à sonner quand vous êtes aux toilettes, quand vous dormez, ou quand vous êtes sur la douche. Quand le téléphone sonne, tout le monde pense à une urgence, alors que souvent c’est une connaissance qui vient quérir au mieux si vous voulez boire une bière, au pire vous taper de cent balles.
On ne sait pas à quel point le téléphone est un fumier ! Quand vous en avez un usage urgent, il est en dérangement, hors couverture réseau, ou plus retors encore, en batterie faible. Il aime à vous frustrer en ajoutant de la friture pour que vos propos soient incompréhensibles, il adore ajouter des silences aux mauvais endroits, comme pour vous dire « C’est moi qui vais te pourrir ta journée ! ». Sadique, vicieux, le téléphone est une bête cruelle qu’on se devrait d’anéantir.
Contrairement à la croyance populaire qui affirme que le téléphone est indispensable, il s’avère plus exact que le téléphone a pour rôle premier de vous faire les poches. Cher, non fiable, il n’est là que pour vous convaincre que ses services sont vitaux, alors qu’en fait, ils sont la source même d’une désocialisation des gens. On ne voit plus nos amis, on les appelle. On ne discute plus, on se « phone ». ARGH. Pitié ! Achevez nous !

Lampe :
Bestiole magique qui est supposée prendre la place de Dieu dans nos vies. La lampe valide la phrase « Que la lumière soit », et la lumière fut… enfin, quand l’ampoule n’est pas claquée, quand l’interrupteur daigne fonctionner, et surtout quand la facture EDF est réglée. Divinité stupide, la lampe ne sait pas distinguer le bien du mal, parce qu’elle accepte de fonctionner même quand il serait judicieux de ne pas s’allumer. Tenez, par exemple, il est quand même plus agréable de s’assoupir lumière éteinte, et de ne pas être tiré de nos songes par notre compagnon quand celui-ci actionne la lampe de chevet. Hé oui, l’homme ou la femme de votre vie a peur pour ses orteils, donc il/elle allumera la lumière. Et mon sommeil bordel ?! Et mon repos ?! Enfin bref, la lampe ne peut guère passer pour un dieu bon et magnanime.
La lampe A de multiples usages, depuis celui de vous fournir la lumière (logique), jusqu’à celui de vous torturer. On a noté une passion certaine des interrogateurs pour la chose électrique, surtout dans les bureaux glauques, sombres et enfumés des bon vieux polars à clichés. On aveugle le suspect, on l’empêche de dormir, et paf il craque. Pour information, il y a une astuce confortable pour se débarrasser d’une lampe à ampoule de verre : simplement cracher sur le verre ébouillanté par la chauffe du filament. Choc thermique garanti ! Comme quoi, les auteurs de polars manquent cruellement d’imagination.
Et puis, la lampe, c’est l’archétype de la saleté qui n’est pas autonome : toujours un fil à la patte, toujours à devoir être correctement installée pour ne pas mettre le feu… Cette foutue lampe a en plus le vice de claquer au pire moment, comme par exemple quand vous êtes sur un perron, un soir sans lune, et que vous cherchez désespérément la bonne clé pour ouvrir votre location tant rêvée après 1000 Kms de route ! Connasse !

Cuillère :
Objet simplissime, en bois, en plastique, en métal, et plus rarement en or ou en argent, la cuillère est l’ustensile le plus commun à nos cuisines et nos tables. Pratique, sans batterie ni accessoire inutile, la cuillère peut servir à énormément de choses, dont se nourrir, nourrir le mioche, mesurer des quantités en cuisine, voire, dans les cas les plus extrêmes, creuser des tunnels d’évasion d’une prison de roman.
La cuillère a un historique, elle est marquée par son usure, ses décorations datées, ou ses coloris baroques. On reconnaît un service de couverts à son design, et l’on sait alors si le maître des lieux a des goûts lamentables, ou s’il est fauché. Qui plus est, on est même capable de reconnaître une cuillère de cantine d’une cuillère de service de qualité, c’est dire à quel point nous sommes sensibles à ces ustensiles apparemment anodins.
Certains naissent avec une cuillère en argent dans la bouche, et c’est dommage. Non que je jalouse la richesse d’autrui, même si celle-ci en fait des nantis sans cervelles. Non, je trouve simplement dommage de gâcher du si bon métal pour faire des cuillères, alors que nous pourrions leur fournir des couverts en plomb, de sorte à ce que le saturnisme puisse écrémer généreusement et patiemment notre société. Bien sûr, la raison sanitaire est plus forte que la raison tout court… dommage, non ?

Cheveu :
Fibre humaine qui se trouve sur la tête ou sur la langue, le cheveu est une toison décorative ayant pour principales vertus de vous gonfler tous les matins, et de faire vivre une populations de parasites que sont les sociétés de cosmétiques et les coiffeurs.
Contrairement à la croyance populaire, Samson n’était pas fragile à cause de ses cheveux. C’était juste un imbécile efféminé qui ne supporta pas de devoir sortir avec une coupe au bol, au lieu de sa coupe de hippie sur le retour. Dans ces conditions, on ne peut que constater que le cheveux n’apporte pas de pouvoir, pas plus qu’il n’assure un statut social. Tout au plus impose-t-il l’usage d’accessoires pour le rendre plus présentable et plus policé. C’est d’ailleurs une des comédies permanentes de l’humanité : comment dominer la fibre capillaire, tout en donnant l’impression que la dite coupe est naturelle. Les laboratoires L’Oréal (qui ne le valent pas si bien) sauront vous persuader qu’un gel, une mousse coiffante, ou quelque autre artifice chimique, saura vous donner l’apparence d’un hédoniste… En omettant de préciser que celui de la publicité, c’est après quatre heures de boulot qu’il parvient à ses fins, pas dans les trente secondes promises sur l’emballage.
Dernier point amusant concernant le cheveu : quand on l’a sur la langue, cela n’impose pas qu’on ait sa langue dans sa poche. Libre à vous de comprendre ce dernier propos !

Stylo :
Arme de destruction massive camouflée dans un objet du quotidien, le stylo est l’accessoire favori des pires décisions, ainsi que de la création de systèmes iniques. Concrètement, la plume est forcément plus forte que l’épée, parce qu’il est assez compliqué de rédiger quoi que ce soit avec une rapière, tandis qu’un stylo, lui, peut parapher des documents graves. L’art de l’usage du stylo est complexe, à tel point qu’on nous l’enfourne dans la caboche dès notre plus tendre enfance. Le stylo, cet objet prétendument anodin, a créé des carnages, il a scindé des pays, créé des nations, déclenché des guerres, voire autorisé la conception d’armes susceptibles de tous nous anéantir en un instant.
Le stylo, c’est l’arme favorite du lâche. On n’a jamais vu un politicien tenir un fusil, mais plus volontiers un stylo pour apposer sa signature au bas d’un document. Bien entendu, ces actes peuvent aussi bien être tus par le temps, que passer à la postérité, tout dépendant de la situation et de ceux qui archivent les pièces sensibles. Dans tous les cas, le stylo, c’est celui qui sert à signer la note de service sélectionnant le lampiste pouvant déclencher le feu nucléaire, c’est l’outil qui détermine la liste des candidats à l’exécution capitale, et c’est enfin l’accessoire indispensable pour vous dresser une contravention.
L’inventeur du stylo a été félicité, encensé, glorifié. Moi, je lui ferais bien un sort, à cette pourriture candide qui a crû que l’écriture serait une forme de liberté pour les hommes. Ecrire, c’est la meilleure manière de réduire en esclavage l’humanité, via la voie la plus vicieuse, celle dite légale et morale.
Enflure !

Moquette :
Se fume ou se piétine. La moquette est la chose qui tapisse vos sols, qui sont supposé décorer nos intérieurs, et qui ne sont finalement que le refuge adoré de la poussière et des acariens. La moquette, c’est un ennemi sanitaire comme il y en a peu, à tel point qu’il s’invite sur les murs, voire même les plafonds. La moquette, c’est le symbole même d’une époque, car il est alors facile de dater la dernière réfection d’une pièce, ceci par le coloris du revêtement, ou encore à travers son motif bien kitsch.
La moquette, c’est ce qu’on colle partout, histoire de rendre soi-disant plus douillet un intérieur. Techniquement, la moquette, c’est la pire chose à apposer partout, sauf à vouloir faire les beaux jours des fabricants d’aspirateurs. J’ai en horreur ce truc molletonné qui ne ressemble à rien, qui se salit irrémédiablement, qui se déforme sous le poids des meubles et des chaises, et qui trouve le moyen, vice suprême, de changer peu à peu de couleur. Et le pire ? On ne peut pas rénover une moquette, alors qu’un parquet, ça se ponce. Je n’ai encore jamais vu quelqu’un tondre une moquette… Enfin bref, à bas la moquette !

Fenêtre :
Ouverture pratiquée sur le monde dans nos bunkers personnels. Généralement vitrée, une fenêtre peut donner sur la cour, ou bien permettre de jeter de l’argent. Pratique, mais généralement peu sûre, la fenêtre est également une possibilité prisée de celles et ceux qui souhaitent vérifier que la gravité n’est pas une illusion. Dans tous les cas, la fenêtre s’avère indispensable tant elle permet de faire des choses très différentes.
Il faut noter que le terme de fenêtre a également une valeur en informatique, ce qui peut mener à des quiproquos assez cocasses. Si un technicien vous demande de fermer la fenêtre, songez qu’il s’agit de celle affichée sur votre écran, et non celle de votre bureau ! Au surplus, les fenêtres informatiques ont la fâcheuse tendance de se multiplier plus vite que l’homme n’est capable de les appréhender, à tel point qu’il fut un temps où c’était une méthode pour se faire de la publicité.
D’un autre point de vue, la fenêtre, c’est aussi la possibilité de voir le monde différemment. Un gosse (que je suis resté) aime à regarder le ciel à travers le carreau embué, surtout si les étoiles sont de la partie. La fenêtre, c’est donc une ouverture tant sur le monde que sur le rêve. Il est essentiel d’avoir en tête cette idée, notamment si vous désirez ne pas devenir dingue à l’idée d’être enfermé, toute la journée durant, dans un bureau ou un local dont la seule luminosité proviendra de la petite fenêtre perçant votre bloc.
Enfin, la fenêtre, c’est un terme absurde utilisé pour définir un espace limité. Par exemple, les militaires aiment à parler de « fenêtre de tir », chose qui, en soi, n’a guère de sens (sauf à vouloir faire comme à Bagdad, à savoir faire pénétrer un missile à travers la fenêtre d’un bureau).
Quoi qu’il en soit, ne laissez jamais une fenêtre entre vous et le ciel, sous peine d’étouffer vos espoirs et vos rêves…

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