28 avril 2011

Inconséquence politique

Plus les présidentielles s’approchent, plus je m’interroge profondément sur la compétence de nos élus, et surtout sur la capacité des électeurs à faire un choix raisonné. En effet, malgré la perspective d’une carte électorale brouillonne, les différents partis ne semblent pas spécialement prendre conscience du risque que représente l’éclatement des votes entre divers candidats. J’en suis venu à me demander s’il n’y pas carrément un risque de voir des outsiders finir au second tour, ce qui mènerait immanquablement à un désastre politique majeur. Jusqu’à présent, la confortable image du bipartisme classique offrait aux votants la possibilité de choisir deux mouvances, deux orientations, avec toutefois une vague possibilité de contester ce découpage à travers les votes annexes dans les extrêmes. A présent, le problème devient bien plus complexe, ce qui me fait vraiment craindre le pire.

Commençons par les partis que l’on peut qualifier de « classiques ». Sortis de la rivalité gauche droite, nous avons encore les regroupements plus moins extrémistes tant à gauche qu’à droite. Tant la LCR que le FN, il s’agit là de partis qui font les beaux jours de la contestation, de la réaction, et donc de votes soit vaguement rebelles de jeunes adultes inconséquents, soit des personnes profondément déçues par les élus successifs. Ne nous leurrons pas trop : le vote FN est tout autant fait de véritables nationalistes convaincus, que de votants lassés par l’indolence et le manque de parole des gouvernements successifs. De ce point de vue, parler du FN comme d’une force fasciste, c’est forcément se tromper de cible, et qui plus est, insulter un parti qui n’a pas besoin de publicité pour exister. A l’autre bout du spectre, la LCR, bien que renommée NPA, n’est que l’expression des mouvances proto communistes, qui tentent de se défaire de l’image désastreuse de l’étoile rouge dans le monde. Pour autant, le NPA n’apporte guère d’idées neuves, puisqu’elle reste tout de même profondément ancrée dans l’éthique réactionnaire et néo trotskiste de ses débuts. Dans ces conditions, nous avons donc là deux partis qui vont récolter des voix, qui vont provoquer une fuite des votants, et qui, au final, serviront de leviers contre la gauche et la droite traditionnelles. C’est en cela que Marine Le Pen est une menace pour la droite : elle n’a guère de chance d’être élue, par contre son capital de voix pourra très probablement faire pencher la balance, ce qui forcera donc le candidat avide de cette manne à composer avec elle. Dangereux, redoutable même, cette idée ne peut que faire craindre le pire à l’avenir. Notons enfin que, malgré l’attitude de défiance qu’a la droite face au FN, les voix de ce dernier auraient été précieuses lors des dernières cantonales. Or, en refusant « l’aide » du FN, l’UMP a perdu la bataille… Qu’en conclure ? Que le candidat de la droite devra forcément serrer la main de Marine Le Pen pour avoir plus de chance de gagner, sauf grosse surprise électorale.

Ensuite, observons un nouveau parasite dans la carte politique, à savoir Nicolas Hulot. Je ne remets pas en doute sa passion véritable pour l’écologie, pas plus que sa motivation à vouloir s’en faire le chantre. Cependant, j’émets trois objections graves à sa démarche. Tout d’abord, on ne s’improvise pas candidat. Quid d’avoir la capacité à créer un gouvernement en cas de victoire ? Sans support politique de fond, un candidat n’a aucune valeur, même s’il a des idées. Un état fonctionne parce qu’il y a une hiérarchie riche et complexe, et que cette hiérarchie se doit d’être au service de l’élu. Dans ces conditions, difficile de croire que M. Hulot puisse ne serait-ce qu’être crédible en politique. Ma seconde objection est sur le principe même de la candidature : les bonnes volontés ne suffisent pas toujours, et sa candidature risque de faire plus de mal que de bien. Que veut-il prouver ? Si les voix se reportent un peu trop massivement sur lui, que va-t-il dire aux gens à l’entre deux tours ? Qui va-t-il désigner comme présidentiable acceptable ? Sauf à ne pas se mouiller, et donc jouer l’autruche, N.Hulot s’est mis dans une situation intenable après une plus que probable défaite dès le premier tour. Toutes ces voix seront donc les voix qui vont manquer aux partis classiques, avec une chance supplémentaire pour les extrêmes. 2002 ne semble pas avoir suffi aux gens pour comprendre que toute voix perdue pour les partis classiques sont des voix supplémentaires pour les extrêmes… Et ma troisième et non moindre critique face à cette action politique, c’est l’inutilité de la démarche. Tout comme en 2007 avec son « chantage » ridicule, N.Hulot semble croire qu’il pourra peser sur la politique écologique de la France. C’est oublier qu’il n’a aucune compétence en économie, qu’il n’a certainement pas poussé la réflexion jusqu’à son terme. A mon sens, certaines personnes disposent d’une vraie aura, qu’elle soit démagogique ou politique, et qu’elles seraient utiles en tant qu’apolitiques, mais au service de l’état. Quelqu’un comme lui, de vraiment dévoué à sa cause, ferait peut-être un excellent conseiller, mais certainement pas un présidentiable ne serait-ce que potable. Je crains donc des problèmes dans des voix partant n’importe où, au lieu d’être orientées vers les véritables candidats potentiels.

Mais là, c’est le concept de candidat potentiel qui est problématique ! A ce jour, la droite doit s’appuyer soit sur la réélection de N.Sarkozy, et donc immanquablement couper les ailes des autres candidats potentiels, soit désavouer le président sortant, ce qui serait là une véritable fronde sans précédent. Dans ces conditions, celles et ceux qui oseront se présenter hors de l’accord de l’UMP seront une menace directe pour la réélection, et de futurs crucifiés quelque soit l’issue de l’élection présidentielle. Il faut également noter que les ambitions ne manquent pas, et que le risque de l’émergence de candidats indépendants est loin d’être nul. De Villepin est un bon représentant d’un tel potentiel : trahi, sacrifié pour préserver le président, crucifié par la presse, il ne sera pas le dernier à tout faire pour que Sarkozy ne soit pas l’option choisie. Le centre n’est plus une menace, étant donné le désaveu de cette mouvance à travers l’échec des cantonales, mais, malgré tout, ne pas en tenir compte pourrait très bien être dangereux pour la droite. Et c’est sans compter la montée croissante des sympathies pour l’héritière Le Pen, qui, bien que souvent désignée comme la copie conforme de son père, s’avère moins « puante » que ce dernier pour l’opinion publique. Elle sait s’exprimer, défendre ses valeurs, et c’est en cela qu’elle est une menace directe pour l’UMP et son candidat tout désigné.
De l’autre côté, la gauche est dans une passe lamentable. Depuis des années, le PS est empêtré dans une guerre tant des chefs que des têtes de liste. Aubry, Royal, DSK, toutes les têtes sont prêtes à sortir du lot, quitte à piétiner les petits camarades. L’idée des primaires n’est pas apparue par hasard : le concept d’élire le candidat unique est né au moment où le parti s’est rendu compte de sa désintégration intérieure. La profusion d’idées, le florilège de coups bas n’a su qu’inciter les Français à s’interroger sur la capacité du parti socialiste à revenir sur le devant de la scène. Certains vont me dire que les cantonales sont une victoire de la gauche, et c’est totalement faux. Les cantonales sont une défaite du parti au pouvoir, et une attaque directe menée contre le président de la république. Le PS ne peut absolument pas se targuer de ce score, et d’ailleurs il s’en est bien gardé. Pourquoi ? Parce qu’au final, ce fut un vote de contestation, à petite échelle eu égard à l’abstention massive, et qui, pardessus le marché, n’a absolument pas su faire émerger une ligne de conduite. A aujourd’hui, le doute subsiste sur qui représentera réellement le PS en 2012, et je crois que le candidat ne sera pas unique, loin s’en faut.

L’inconséquence des différents présidentiable est terrifiante : le FN conserve son attitude de trublion, la NPA ne représente guère que des anarchistes en mal de reconnaissance, ou des nostalgiques/utopistes, Hulot est illisible car ne semblant pas vraiment savoir ce qu’il représente, la droite se doit de jouer, même à contrecoeur, la cohésion derrière Sarkozy, et le PS n’est même pas capable de proposer un candidat définitif ! Cette incapacité à avoir la moindre prise de position claire ressemble plus à de la bêtise qu’à de l’incapacité, car, après tout, les seuls partis qui se tiennent toujours à une ligne de conduite claire sont justement ceux qu’on taxe d’être dans les extrêmes. C’est en cela qu’ils vont peser lourdement sur les urnes, et qu’ils vont représenter une force non négligeable lors de négociations ultérieures. La droite composera avec le FN, tout comme le PS a dû composer, et ce depuis leur apparition, avec les écologistes. Bien entendu, je ne donnerai aucun conseil de vote, ceci n’étant ni mon rôle ni mon intérêt. En revanche, je préconise fermement à celles et ceux qui voteront d’assumer leur vote de bout en bout, à savoir tant au premier qu’au second tour. Le vote contestataire n’a aucune efficacité, 2002 l’a prouvé de la plus évidente des manières. A chacun des détenteurs de la carte d’électeur de bien comprendre le pouvoir dont il dispose en plaçant un bulletin dans l’urne. Notez enfin que je ne veux certainement pas entendre parler du vote blanc : il n’est qu’une lâcheté, c'est-à-dire l’absence de choix total. Vote nul, abstention ou vote blanc, même combat. Je l’ai déjà expliqué, à savoir que si le vote blanc est comptabilisé, et qu’il parvient à déstabiliser une élection, que fait-on ? En attendant d’un nouveau vote, les élus au pouvoir y restent. En cas de majorité relative au vote blanc et à un élu quelconque, cela sera donc une élection à la Pyrrhus. En cas d’absence de poids du blanc, il sera alors simplement inutile pour le résultat, mais il aura impacté tous les partis en mal de voix. Et le pire, c’est que refuser de choisir, c’est, en principe, ne plus avoir le droit de critiquer… Pourtant, les Français sont les rois de l’absence de responsabilité, tout en gardant le droit de râler. Pauvre France, où vas-tu aller en 2012 ?

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