03 mai 2011

Tabac mon amour

En allumant mon sempiternel et toxique mégot, je me suis mis à réfléchir sur le sens profond du tabagisme. La société actuelle, friande de conseils et d’avertissements aussi divers qu’abscons, s’est lancée dans une vaste opération de communication concernant les maladies découlant de la consommation de tabac. Ainsi, les paquets revêtent dorénavant des images aussi glauques qu’inquiétantes sur le devenir des fumeurs, sur leur décomposition lente et inéluctable, et sur le bon sens qu’il y a à cesser toute consommation de ce produit toxique, voire mortel. Eh oui, messieurs-dames les fumeurs, le tabac pue, le tabac tue, le tabac pollue !

Mais alors, qu’on m’explique deux ou trois bricoles qui me semblent indispensables pour peser sur mon non-désir d’interrompre mon intoxication quotidienne à la nicotine. Tout d’abord, si le tabac est nocif, pourquoi ne pas le prohiber ? Contrairement à l’alcool qui, à dose raisonnable, ne provoque pas l’addiction, le tabac, lui, vous impose son amour immodéré, et ce dans un temps très court. Dans ces conditions, tout comme les stupéfiants, ne serait-il pas plus honnête de, tout simplement, interdire de manière mondiale tant la production que la distribution d’un poison ? Dans l’absolu donc, je ne comprends pas cette ambiguïté de départ, car elle sonne terriblement faux dans la bouche des politiques. Ah, si, j’ai peut-être un embryon de compréhension : si l’on met fin au marché du tabac, ce seront les millions d’ouvriers de cette filière, ainsi que des entreprises gigantesques qui risquent le chômage, puis la faillite pure et simple. Cela sous-entendrait alors que vendre du poison, et surtout en consommer serait un acte totalement patriote. Après tout, si fumer permet à des familles de survivre, n’est-ce pas là un point plutôt positif pour l’industrie de la clope ?

Dans la même optique, on nous gueule que les cancers coûtent chers, et que le cancer du poumon est un point noir (humour sinistre, quand tu nous tiens) dans les comptes de la sécurité sociale. Encore une fois, je ne saisis pas bien la finalité : puisque le tabac est très taxé, on finance donc, et ce des décennies durant, le système de santé public, ainsi que tous les services tiers qui bénéficient de cette manne financière totalement acceptée par les consommateurs. De là à dire qu’acheter un paquet de cigarette est un acte doublement patriote, il n’y aurait quasiment qu’un pas à franchir là, non ? Entre les impôts directs, les salaires financés par le reste, la vie de commerçants honnêtes, fumer serait quelque peu un bienfait alors ! C’en est compliqué à comprendre… Comment dire que fumer est débile, quand en contrepartie on finance plein de choses. Cela commence sérieusement à me dépasser.

Ah, les harpies qui se disent non fumeurs ! J’aime leur intolérance, leur diktat de la bienséance. Autant je comprends que le tabac puisse indisposer durement, mais de là à s’entendre dire, chez soi « va fumer dans la cuisine ! », il y a un pas que je refuse de franchir. Je fume chez moi, je suis chez moi, donc je fais ce que je veux. Qu’on me dise de ne pas fumer en présence d’un enfant, ça, je le comprends, mais qu’un adulte vienne me tanner, en pleine rue, en me disant avec un air colérique que je l’indispose, je ne peux que lui répondre avec ferveur et entrain « Tu sais où tu peux te les coller, tes jérémiades ? ». Je deviens de plus en plus intolérant moi-même, mais avec les non fumeurs. Je m’intoxique parce que j’en ai le droit, et qu’ils aillent s’intoxiquer à leur manière, avec les drogues légales que sont les anxiolytiques et autres antidépresseurs. Sans blague, ça se farcit la paillasse avec des merdes complexes et aussi nocives que l’héroïne, mais ça vient vous taper sur les nerfs concernant une clope !

Et finalement, je me fous de la bienséance. Par principe, tant qu’on ne m’interdira pas légalement de fumer, je fumerai où je l’entends. Ma seule exigence, c’est de ne pas laisser traîner les mégots par terre… quoique : cela incite ensuite les villes à embaucher des gens pour continuer à nettoyer la voie publique. Comme quoi, même les résidus de tabac peuvent créer de l’emploi…

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