06 juin 2011

Point de vue

Tout n’est finalement qu’une question de point de vue dans l’existence. Depuis la mise bas d’un être humain, jusqu’à la dépose de son corps plus bas encore, le point de vue dicte clairement nos réactions et nos opinions. Songez y : comprendre une situation, tout comme y réagir ne sont que des analyses issues de notre point d’observation. Ainsi, les sciences, l’art, le quotidien, tout est affreusement tributaire du point de vue !

Commençons simple. L’homme, dès les premiers jours de sa naissance, sera tributaire de son extraction sociale, ainsi que de son lieu de résidence. Typiquement, il sera plus probable pour un enfant né en pleine guerre civile dans une république bananière quelconque de mourir par balle, qu’un enfant né dans un quartier chic de n’importe quelle mégapole riche de notre monde. Bien entendu, on pourrait alors me rétorquer qu’il y a les maladies, la génétique, ou encore les accidents improbables. J’entends bien, mais selon le point de vue des parents de l’enfant né en zone de combat, lequel des deux petits a le plus de chance d’atteindre l’âge adulte ? Je vois que vous avez déjà la réponse... Donc, quelque part, c’est le point de vue qui va nous dire si l’on est heureux ou pas. Ajoutons un autre critère histoire de pimenter le tout : est-ce que les parents de l’enfant jusqu’à présent mal loti croiront les parents de l’autre morveux quand ils leur affirmeraient (si tant est qu’ils soient amenés à se rencontrer un jour) que leur progéniture a au moins la chance de ne pas naître dans un endroit surpeuplé, pollué, devenu invivable à force de promiscuité et d’incivilités récurrentes ? Non, bien entendu : le malheur des uns ferait bien volontiers le bonheur de beaucoup d’autres.

Soyons plus vaches à présent. Les horreurs des uns sont la réussite des autres. Selon le point de vue appliqué, les drames de ce monde peuvent bizarrement devenir « tolérables ». Sans jouer les réactionnaires, l’esclavage moderne, l’exploitation des masses laborieuses font de nous tous des satisfaits de la surconsommation mondialisée. Pire encore, nous nous complaisons dans ce système, car, de notre point de vue, nous avons le « droit » de profiter de nos richesses, quitte à ce que cela soit au détriment des autres. Je sais bien qu’il s’agit là d’une image éculée digne des clichés faisant de l’occidental un bourreau pour l’asiatique, mais cela n’en demeure pas totalement faux... si l’on fait abstraction du point de vue de l’ouvrier sur chaîne en Chine par exemple ! Pour lui, nous sommes son salaire, nous sommes sa possibilité d’envoyer ses enfants à l’école, car nous sommes le principal débouché pour les produits qu’il fabrique. Il sacrifie ses libertés, ses loisirs, voire sa santé, tout ça pour qu’il y ait un avenir. Dans ces conditions, deux regards positifs sur une chose terriblement négative... Il est donc indispensable d’avoir tous les points de vue pour comprendre de quoi il en retourne vraiment.

Enfin, il y a l’incompétence crasse de l’homme, avec sa vue à court terme, pour ne pas dire pas au-delà de son groin… pardon nez. Depuis le général trop gourmand qui « oublie » par péché d’orgueil d’aller jeter un coup d’œil par delà la « foutue colline en face d’où ne viendront jamais nos ennemis », en passant par l’abruti qui grille un feu rouge, parce que de son point de vue « il a encore le temps de passer », jusqu’à l’impayable optimiste qui, lors du naufrage du Titanic, a affirmé jusqu’à son dernier souffle avant de se noyer « Ils avaient dit qu’il ne coulera jamais », l’homme aime à avoir un point de vue incroyablement stupide, à courte échéance, et surchargé d’espoirs trop souvent déçus. Nous sommes ainsi : nous ne croyons pas ce que nous voyons, mais finalement plus ce qu’on nous dit. C’en est même risible d’ailleurs, car il s’agit là d’une des mamelles de la propagande ! Allez répéter des dizaines de fois par jour qu’il existe des vaches bleues, et, tôt ou tard, quelqu’un prétendra en avoir vu une quelque part. De son point de vue, à cet observateur aussi mythomane qu’idiot, il s’agira là non d’un mensonge, mais « d’une vérité déguisée ». Le point de vue est éminemment politique, puisqu’il offre toutes les souplesses possible : mentir, ce n’est pas un péché, puisqu’il s’agit en fait d’une déformation de la réalité. Donc, du point de vue du politicien, baratiner un auditoire, ce n’est pas être un salaud, mais juste un orateur compétent, respecté, et surtout… susceptible d’inculquer ses thèses aux masses ; Chouette, ça tombe bien, j’ai quelques conneries à enfourner dans la tête des gens. Et si l’on affirmait que la voûte céleste n’est qu’un poster géant ? De mon point de vue étriqué, c’est presque crédible, puisque je vois le même ciel tous les soirs !

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