18 juillet 2011

On a tous des petits secrets


Le monde de la presse m’épatera toujours autant. Qu’on la suppose indépendante, orientée, voire de fond de poubelle, la presse a le don de me faire rire jaune tant elle se veut propre et respectueuse des règles d’éthique. Or, force est de constater que l’éthique est une jolie chose sur le papier, mais qui se révèle bien souvent au mieux inapplicable, au pire problématique pour faire un « bon » papier. Regardez donc avec sincérité votre journal : croyez vous vraiment que les révélations et autres coups d’éclats d’une Une racoleuse proviennent du néant, ou bien sont-ils issus de tractations malsaines, de dénonciations parfois calomnieuses ?

L’empire Murdoch, terrifiant tant par sa taille que par son pouvoir, souffre actuellement d’une véritable cabale à cause d’une affaire très sérieuse d’écoutes téléphoniques et de corruption de fonctionnaires. Les gens jouent les offusqués, certains accusés se défendent d’avoir été impliqués dans quelque manipulation que ce soit, et d’autres préfèrent se retirer avant d’être éclaboussés par les retombées nauséabondes de l’affaire. Crédible ? Certainement pas ! On ne peut pas croire que le roi du tabloïd, l’empereur de la feuille de chou n’a jamais touché à de telles pratiques, et encore moins en Angleterre qui est le royaume du torchon journalistique. Oh, je sais bien qu’on va me dire qu’une fois de plus je tape sur les bouffeurs de gelée à la menthe, mais notez tout de même qu’on ne parle plus de faire les poubelles, mais bel et bien de corrompre le chef de Scotland Yard, qui n’est rien de moins que la plus haute autorité policière de Grande-Bretagne !

Raisonnons un peu sur la qualité des méthodes employées. Une presse d’information se doit d’avoir des contacts, d’être « au courant », de se tenir informée de tout et n’importe quoi, puis de faire le tri dans les informations, pour enfin sortir des articles de fond. La presse poubelle, elle, fera les containers à ordures, publiera des photographies volées (ou bidouillées, c’est selon), et génèrera des ventes à travers de pseudo scandales chez les people. Dans tous les cas, c’est bien à travers l’information que vivent les journaux. Maintenant, allons plus avant et demandons nous où s’arrêtent le droit à l’information, et où commence la corruption et l’espionnage. Quand un journal comme le canard enchaîné sort des extraits de notes confidentielles, d’où sortent-elles ? D’un contact bien intentionné, ou d’un vol pur et simple d’un courrier ? Quand une conversation téléphonique est relatée, s’agit-il d’une écoute, ou bien de ouï-dire d’un tiers présent lors de l’entretien ? Quand un fonctionnaire est réticent à parler, on le paie, ou on le fait chanter ?

Le chef de la police a démissionné, car il est directement impliqué dans cette affaire qui fleure bon les méthodes du KGB. L’interrogation première n’est pas de savoir si, oui ou non, il a été corrompu, mais plutôt de savoir ce qui a pu le pousser à se laisser embarquer dans une telle situation. Deux scénarios sont possibles : le premier, terriblement ordinaire, serait l’appât du gain. Le second, pas moins malsain, serait un chantage. Prenons une conversation : quelqu’un qui vous lance « Soit tu collabores, rémunéré bien entendu, soit on balance tout sur ta relation extraconjugale » saurait convaincre le plus « honnête » des hommes à se vendre, non ? Lorsqu’on accepte une fois, on ne revient jamais en arrière, c’est une évidence. Maintenant, plutôt que de voir ses petits secrets être éventés, l’homme en question a probablement choisi de disparaître de la scène médiatique et policière… « Sur les bons conseils d’une autorité supérieure ».

Je suis plus que circonspect concernant l’avenir d’une telle presse. Que la presse doive dénoncer des scandales, éventer des secrets malsains, c’est tout à son honneur. Mais j’ignorais que pratiquer les mêmes embrouilles que celles employées par les gens qu’on veut justement dénoncer, c’est clairement utiliser le feu pour éteindre un incendie. Pire encore : je ne suis même pas convaincu que les dites écoutes et actes de corruption aient été pratiqués pour donner au public une bonne presse d’information, mais plus, à mon sens, pour disposer d’une capacité à être « un pas devant les autres ». Ce n’est plus de l’info, c’est juste de la propagande. J’ai toujours craint qu’un état devienne policier à travers des méthodes de surveillance à outrance. Dorénavant, nous devrons également craindre que nos informations soient issues de méthodes analogues, donc sujettes tant à caution qu’à être employées comme des armes de propagande active.

Le dernier point important de cette affaire est qu’elle révèle au monde le pouvoir souterrain d’hommes de médias comme Murdoch. L’Italie connaît cela depuis des années avec Berlusconi, et la France n’est guère mieux lotie avec des Lagardère. Où est notre information, la vraie, la bonne, celle supposée éveiller notre conscience tant politique que sociale ? Dans les poches d’hommes et de femmes rompus à la corruption, à la coercition, à la déformation. J’étais méfiant ? Je le suis d’autant plus maintenant. A quand un procès du même genre chez nous ? Je ne doute pas que cela pourrait arriver, sauf à oublier que les grands médias sont souvent très (trop) proches du pouvoir. On a critiqué Sarkozy suite à ses affinités avec nombre de grands patrons. N’y avait-il pas, justement, quelques pontes de la presse dans le lot ?

A méditer.

Aucun commentaire: