22 octobre 2012

Pousse à la performance

Ah, la performance! En soi, ce terme couvre à peu près n'importe quoi, depuis le travail jusqu'à l'effort physique, en passant par la puissance relative de nos chères machines à puces (non, pas votre yorkshire tendrement appelé Pantoufle qui s'est entiché de votre canapé, mais bien ces bestioles qui fleurissent dans les poches et sur les bureaux). De fait, l'Homme suppose qu'il est nécessaire d'être performant, ou pire encore de se dépasser. Dépasser quoi? Ses capacités? D'aller là où personne n'est encore allé? Curieux comportement, d'autant plus quand cela devient une véritable politique, et pas juste une forme d'élitisme de l'objectif personnel.

Prenons ces derniers mois pour exemple. Un Bolt cavale à une telle vitesse sur 100 mètres qu'on parle de lui dans tous les médias; Un cinglé se balance de 37.000 mètres et fait un saut record en parachute; on "découvre" les faudres de Armstrong et l'on envisage de lui faire rembourser ses gains lors de ses sept tours de France; on assène à qui veut l'entendre qu'il faut un "redressement productif" de la France... Bref, la performance est devenue culte, un leitmotiv aussi malsain qu'incongru. Comment ça, incongru? C'est pourtant indispensable d'être performant! me braillera le cadre moyen satisfait de ses heures à rallonge, de son chèque de fin de mois, et de ses économies d'échelle réalisées sur la fermeture d'un centre de production dans l'hexagone. Monsieur le cadre autosatisfait, maître de la rhétorique et du baratin, expert en "je te fais un émincé d'usine parfumé aux herbes de l'économie mondialisée", je te conchie, parce que la performance, c'est de la foutaise! Tu n'es pas convaincu? Ton costume à cinq salaires d'ouvrier sous payé t'empêche d'y croire? Mais lis donc ce qui suit, et prends en de la graine!

Déjà, si l'on prend que le sport, le résultat qu'on obtient en pressant des champions, ce n'est pas du résultat, mais avant toute chose du jus douteux farci de produits suspects et potentiellement toxiques. Un Lance Armstrong destitué de ses victoires au tour, ce n'est rien de moins que le symbole même de l'échec de la course à la performance. On ne peut décemment pas espérer exploser des chronomètres au-delà d'une limite qui, pour le coup, est purement humaine. En y réfléchissant encore un peu plus, on constate avec dégoût et horreur que les dopés assumés (entendre qui le reconnaissent a posteriori) finissent bien souvent dans la tombe avant l'heure. Hécatombe sportive, naufrage de l'image de sports pourtant révérés, l'exploit devient dorénavant bizarre, inquiétant, et tout champion est alors observé pour voir s'il ne "pisserait pas bleu" par hasard. Donc, pousser à la performance, quitte à se doper pour y parvenir, c'est un échec cuisant, tant d'un point de vue sanitaire que moral.

Ah, et l'entreprise me diras-tu, pauvre ahuri fier de ses grolles à un SMIG la pompe! L'entreprise, tout comme le sportif, ne peut pas réellement dépasser certaines limites. Elles sont clairement identifiées: quand les salariés deviennent fous, que les résultats mènent à la dépression nerveuse, quand des dirigeants se défoncent (au sens toxicomaniaque du terme), on ne peut que mettre en doute la méthode et les résultats. Toute entreprise voue normalement un culte aux résultats, puisque l'objectif premier d'une société est de dégager des bénéfices. En dégager oui, mais à tout prix, quitte à dégager des salariés? Où est le bon sens là-dedans? On n'obtient pas de la performance par la peur, ou en tout cas que très temporairement. La progression d'une entreprise se juge avant tout sur l'implication de ses employés bien avant le fait qu'on leur fasse peur avec un couperet tel que celui de la délocalisation. Donc, Maître Crétin, cadre sup' sans coeur, n'en doutez point: vous êtes tout autant remplaçable que ceux que vous avez viré le mois dernier. Et pourquoi donc? Parce que vous êtes en dessous de ceux qui, comme vous, tentent de faire de l'économie bas de gamme, de la politique du chiffre avant de faire de la politique de la réussite.

Et puis, je le dis haut et fort, vous êtes cons. Cons de croire que la performance est une vertu, que la réussite passe par l'oppression, que le "mieux" est la seule chose à viser. Non! Le "bien" devrait comprendre le "bien travailler", le "bien vivre", et le "bien progresser". A force de croire que tout passe par le prix, les rapports prix/performance/productivité, nous avons sacrifiés notre propre âme et nos emplois. Revenez sur terre rapidement, avant que vous aussi, cadres pédants et imbus de votre inhumanité, ne soyez la nouvelle race de larbins de nouveaux dictateurs des marchés. Oh et je suis con moi aussi, car c'est déjà le cas. Vos esclaves d'hier sont déjà les propriétaires d'aujourd'hui, et les donneurs d'ordres de demain. J'en ris jaune d'avance (et ce, sans jeu de mots pourri sur la couleur de peau).

Dites, quelqu'un connaît une chanson moqueuse en Chinois, histoire que je la mette en vidéo ici? Parce que sinon, je peux déjà fournir ma version Française dans le texte.

Il a voulu tout faire produire en Chine,
Raser les usines qui restaient en France.
Maintenant, chômeur avec la grise mine,
Le cadre sup' se tape du Leader Price rance.

Hé oui! Mon Julot, tu as été viré!
Hé oui! Mon frérot, tu as été licencié!
Hé oui! Mon poto, la Chine t'a racheté!
Hé oui! Mon blaireau, c'est ça "ta" liberté!

Il a voulu croire qu'on pouvait tout vendre,
Son âme, ses potes et même son coeur.
Maintenant, les huissiers viennent reprendre,
Ton four, ta téloche et ton ordinateur!

Hé oui! Mon Julot, tu as été soldé!
Hé oui! Mon frérot, tu as été mondialisé!
Hé oui! Mon poto, tu as été piégé!
Hé oui! Mon blaireau, par les chimères du marché!

La mondialisation c'est une gueule de bois.
Pour sortir une solution entre deux migraines,
Mon pote allez marche enfin tout droit,
Pour que tu fasses de l'argent sans provoquer la haine!

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