07 décembre 2012

Combattre l'oubli

On est le 7 Décembre, et peu de gens en France feront un quelconque rapprochement historique avec cette date. Les Américains, eux, se souviendront probablement de Pearl Harbor, de cet évènement qui a été la première (et dernière jusqu'au 11 Septembre) véritable agression de leur souveraineté par les Japonais. Est-ce que cela a la moindre importance, le moindre sens pour nous autres? Est-ce qu'il est important de célébrer de tels évènements, de les marquer sur un calendrier, voire de faire une fête nationale au nom du souvenir?

Ne me le demandez pas, je réponds impérativement oui, sans concession, sans la moindre hésitation. Oui, nous sommes tenus de nous souvenir, de ne surtout pas laisser les limbes dévorer la mémoire de notre Histoire, parce que l'oubli est criminel, l'oubli, c'est détruire à tout jamais les sacrifices et la valeur des évènements. "Celui qui oublie est celui qui refera les erreurs du passé", et rien n'est plus vrai quand on parle de l'histoire de l'humanité. Agresseur, agressé, envahisseur, criminel de guerre, bouchers, barbarie, cruauté, victoires, défaites, ce ne sont pas que des mots, c'est aussi du sang et des larmes, de la sueur et des horreurs vécues au quotidien par énormément de personnes différentes.

Je ne peux que me méfier de celles et ceux qui veulent supprimer des jours de commémoration. Oui, les derniers poilus sont morts, il n'y a plus personne qui peut parler de l'expérience des tranchés. Mais doit-on oublier ces millions de morts pour rien?! De quel droit va-t-on balayer l'histoire d'un revers de la manche sous prétexte que plus personne ne peut en parler de vive voix? Je suis outragé de constater qu'on puisse revendiquer de telles idées dans un pays qui doit sa situation actuelle à un siècle d'histoire tourmentée: Deux guerres mondiales, des guerres de décolonisation, des conflits sociaux, des révolutions sociales, des progrès techniques énormes, et on devrait donc dire "Puisque c'est trop vieux, on oublie"?! Outrage! Insulte à la mémoire des disparus!

Je ne peux pas m'empêcher d'être en colère contre les vendeurs de mémoire, ceux qui instrumentalisent le souvenir pour en faire des outils politiques et des chantages moraux. On ne demandait pas aux poilus leur obédience, on les alignait dans des trous d'homme pour qu'ils tuent ceux d'en face. On n'a pas expliqué aux conscrits de 40 que la désorganisation chronique de l'armée Française la mènerait au désastre. On n'a pas demandé l'avis des STO sur le poste qu'on leur donnerait. On n'a pas dit aux veuves de guerre qu'elles seraient ensuite soupçonnées d'avoir fricoté avec l'occupant. On ne nous a pas dit à nous, petits enfants de la génération de 40, s'ils étaient ou pas du bon côté de la barrière. Non. Je ne veux pas d'une histoire outil, je ne veux pas d'une morale forcée, je veux d'un monde où l'on assume le passé, où l'on vit le présent, et où l'on construit le futur. Et ce n'est pas à me bourrant les tympans d'un souvenir d'actions dont je ne suis pas le responsable qu'on me fera prendre conscience de la dureté de ce souvenir; A celles et ceux qui sont sortis vivants des camps de concentration, je vous dois respect et sollicitude. A vos petits enfants qui veulent se servir de vos souffrances pour me faire du chantage, je réponds "merde".

Oublier, c'est tuer. Oublier un prisonnier politique, c'est le condamner à mort. Oublier les dates du passé, c'est nous condamner à revivre les mêmes atrocités. Aujourd'hui, on ne peut que le constater avec horreur: La Syrie est oubliée du grand public, et la guerre civile continue. Nous oublions de regarder ce qu'il se passe à l'étranger, parce qu'on s'en fout... jusqu'à ce que nous soyons mis en cause comme pour le Rwanda. Oublier, c'est peut-être même plus criminel que de collaborer, parce que la collaboration peut être forcée, tandis que l'oubli est un choix personnel, raisonné, choisi pour une question de confort et non de conscience.

On garde des milliers de prisonniers politiques de par le monde. Les Soviétiques ont même effacé le souvenir de héros de guerre, simplement parce qu'ils ne semblaient plus être à la hauteur du modèle "moral" dont ils étaient les symboles. On a mis en prison des hommes et des femmes dont le seul crime est d'avoir résisté à l'occupant. Alors, les oublier? Jamais. Ne jamais oublier chaque jour, chaque seconde que nous avons devant nous est un cadeau fait par nos prédécesseurs. Nous vivons actuellement un miracle historique dont peu semblent avoir conscience. Cela fait maintenant 70 ans que l'Europe n'est plus en guerre. C'est probablement une des périodes les plus longue de paix connue par notre continent. Et tout le monde semble s'en moquer, et se préoccuper d'un "comment faire la guerre économique avec nos voisins". Bande de pourris. Bande de débiles je dirais même. Vous avez oublié les causes de la première guerre mondiale. Et le premier idiot qui me sort que c'est à cause de la mort d'un archiduc je le colle au pilori! Les pays du monde se sont préparés un arsenal, se sont cherchés des raisons de se faire la guerre, et le prétexte a été parfait pour commencer les hostilités. Economie, politique, bellicisme, protectionnisme au nom du nationalisme, ça ne vous semble pas familier?

Vous oubliez, nous subirons tous. Vous vous souviendrez peut-être de cette ironie au mauvais moment, quand vos enfants vous reprocheront de ne pas avoir eu les yeux ouverts. Je répèterai sans relâche: souvenez vous. Conservez, n'ayez pas peur d'évoquer le passé. Ce n'est qu'en montrant le résultat des erreurs qu'on peut les éviter. Assumons ensemble, marchons ensemble, et non chacun dans une direction ne menant qu'au mur de l'incompréhension mutuelle.

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