10 juillet 2013

C'est ironique

Qu'on se le dise, l'Histoire ne cessera jamais de nous rappeler à quel point nous ne sommes que des victimes de notre propre manque de mémoire, à tel point qu'observer le monde devrait se faire forcément à travers le prisme du passé. Seulement voilà, l'enthousiasme, grande maladie nerveuse qui touche les agitateurs, révolutionnaires et autres candides de la politique, se révèle être un terrible poison pour les espoirs pourtant brandis bien hauts. Ne rêvons pas, la réussite d'une révolution ne vient qu'après une phase de naufrage absolu, à tel point que tout dictateur démis de ses fonctions se voit très majoritairement remplacé par une dictature au moins aussi stricte... si ce n'est plus.

Le printemps arabe. Ah, ce message d'espoir, cette volonté farouche des peuples de s'affranchir des despotes, ces mouvements "populaires" supposés défendre l'idée de la démocratie! Magnifique, splendide même, avec un petit goût intéressant de "Nous y étions" à travers l'interventionnisme des européens. Prenons tous ces états qui ont menés leurs dictateurs hors de leurs palais, et observons le résultat. N'est-ce pas affligeant, d'une lamentable banalité tant il semblait évident qu'il y aurait quelqu'un de plus retors que les candides pour prendre le pouvoir? Qui a guidé les foules contre la police et/ou l'armée? Qui a organisé un secours humanitaire de façade pour s'accorder les faveurs des plus démunis? Qui, enfin, a pu accéder au pouvoir à l'aide de cette manipulation des masses? Toujours les mêmes, à savoir non pas les rêveurs, mais bel et bien les ambitieux, ceux qui ont su attendre le bon moment pour s'approprier le pouvoir!

L'Egypte en est une démonstration, mais n'oubliez pas que la Lybie a vécu strictement le même cycle: on fait tomber le dictateur, on prend le pouvoir, et dans la foulée on révise la constitution de sorte à ce que l'état devienne une république islamiste. Une arnaque? Non. Une chose inévitable? Encore moins. La seule chose qui était inévitable en fait, c'est que, de l'intérieur, les forces mêlant religion et politique allaient tout faire pour revendiquer une légitimité jusqu'alors étouffée par le pouvoir en place. De fait, en aidant la révolution, les nations européennes n'ont donc que porté une assistance indirecte et dangereuse aux mouvement que, justement, l'Europe s'échine à combattre sur son territoire. A croire qu'ils ne retiennent jamais la leçon.

L'Histoire se répète, inlassable, inusable cycle de prise de pouvoirs, de chutes de monstres à fanfreluches, puis au final de la chute de types en costume pour en mettre d'autres. Il m'avait semblé illusoire de croire que l'Egypte, la Lybie, la Tunisie, ou encore la Syrie pourrait s'offrir un gouvernement légitime et démocratique. Je tiens tout particulièrement à la présence du "et", au titre que la légitimité est naturellement allée à ceux qui ont organisé la lutte -donc, dans les faits, aux mouvements extrémistes et autres détenteurs d'une loi passant non plus par la politique mais par la foi-, et que le côté démocratique n'est alors qu'une addition, une sorte de cadeau bonus qu'hélas aucun de ces pays n'a réellement gagné. Cruelle désillusion pour certains, logique implacable de la dégradation de la région pour d'autres, quoi qu'on en pense la seule chose qui aurait rendu évitable ces gouvernances religieuse aurait été de ne surtout pas assister la révolution! Ironique, non?

Maintenant, l'Egypte s'est soulevée, l'armée agit... mais pour arriver à quoi? Est-ce que la rue pourra prétendre obtenir ce qu'elle espérait avoir dès le départ? J'en doute. Quelque soit la façon dont va tourner cette nouvelle série de manifestations et d'affrontements, le pays ne pourra pas composer sans la présence des partis religieux, et donc de devoir créer au mieux une gouvernance d'union nationale, au pire de devoir se laisser mener par ces partis là. Où sera la démocratie? Sacrifiée? Mise en morceaux? Elle ne sera que ce qu'elle a toujours été, à savoir la première victime du peuple quand celui-ci a des objectifs trop différents. Comment concilier politique et religion, quand une part de la nation veut une politique sans Foi, et une autre partie du peuple une Loi par la Foi? Ca n'a selon moi aucune chance de fonctionner dans un système à l'image des vieilles démocraties, et, triste constat, la seule solution viable pour empêcher des affrontements perpétuels sera sûrement de mettre un despote areligieux au pouvoir.

Créer de l'équité sociale en créant une dictature. Triste ironie...

Aucun commentaire: