12 septembre 2013

Tiens ils veulent redresser le Concordia

Mais si, vous savez, le paquebot qu'un capitaine débile a trouvé le moyen de planter avec ses passagers! Vous vous souvenez? Vous remettez le navire en question? Il est actuellement sur le flanc, il attend donc sagement qu'on daigne essayer de le remettre à flot, et donc, à terme peut-être, de le réparer pour offrir de nouvelles croisières à de nouveaux passagers. Pourquoi j'aborde ce sujet assez anodin? Parce que, mes chers amis et lecteurs, il s'agit là d'un fait particulièrement marquant de l'actualité, et pas uniquement sur la forme. Tenez, vous qui regardez la télévision soit pour vous ôter le peu de réflexion qui vous reste, ou pour tenter d'y trouver un peu de culture, vous ne pourrez pas échapper aux images de la prochaine tentative de sauvetage du navire. D'ailleurs, si cela échoue, m'est avis que le net se fera un plaisir de diffuser la vidéo du bide, avec une musique guillerette et des sons rigolos.

Alors pourquoi diable le Concordia est-il important? Parce que ce navire, ce paquebot gigantesque, orgueil de toute une flotte de navires de croisière, représente tout ce que notre société a de plus pathétique, affreux, et surtout cynique. Prenons un peu les choses dans l'ordre. Tout d'abord, qui va à bord de ce genre de bateaux? Des pseudos riches (des arrivistes quoi) qui veulent se vanter de l'avoir fait, des couples pour avoir un souvenir de lune de miel, et des retraités pour se faire le voyage de leur vie. Le tout, bien entendu, est assuré par un service à la hauteur des tarifs pratiqués, c'est-à-dire globalement low-cost, avec peu voire pas de formation de l'équipage, et donc en conséquence des risques pour la sécurité. Ce premier point est déjà flagrant, car cela dénote la détermination de notre société à avoir des produits les moins chers, les plus "rentables", en faisant abstraction des risques que cela ne peut qu'induire.

Le second aspect que représente ce foutu navire, c'est l'exploitation et l'esclavage moderne. Un assemblage hétéroclite de marins de nationalités et de langues différentes, ça ne vous laisse pas plus que perplexe? Comment faire en sorte d'avoir une équipe efficace si l'on ne peut pas communiquer? Ce navire fut une tour de Babel, et nombre de victimes sont à déplorer non à cause d'un manque de bonne volonté des marins, mais simplement parce que beaucoup ne comprirent même pas de quoi il en retournait! Quand on vous donne un ordre dans une langue que vous ne parlez pas, laissez moi vous dire qu'il y a peu de chance que vous obéissiez correctement...

Le troisième reflet de notre monde est celui de l'absence de responsabilité. Le capitaine, bouc-émissaire et cependant bel et bien incompétent, a tout tenté pour se dédouaner de l'accident... Comme si "le" pacha, celui qui commande tout, pouvait prétendre ne pas avoir sa part dans un tel désastre! En quoi est-ce si difficile d'assumer ses responsabilités? N'était-il pas payé pour ça? N'a-t-il donc eu aucune conscience de son rôle dans la sécurité de ses passagers? Trimballer des touristes, ce n'est pas transporter des patates que je sache! Alors, on se fout de tout, des règles, du bon sens commun qui veut qu'on ne dévie pas de sa route s'il y a un danger à le faire? J'applaudis avec cynisme l'absolue débilité de cette ligne de défense du "Je ne savais pas". C'est ton rôle de savoir, pas aux passagers de découvrir ton incurie!

Quatrième point marquant... La couverture médiatique vomitive. Les caméras étaient là, elles se sont régalées, et se régalent encore de la misère et de la détresse des rescapés. A-t-on daigné leur foutre la paix quand ils ont perdu un proche? Non. On les as regardés comme des bêtes de foire, comme des bonus à audimat. L'oeil de la caméra est déjà froid par essence, alors pourquoi en rajouter? Un peu de respect pour la dignité et un peu d'humanisme n'aurait pas été de trop je pense. Encore une belle preuve que notre télévision est à notre image: voyeuse, impitoyable, malsaine... Bref, terriblement humaine.

Dernier point lamentable que va monter cette tentative de sauver le navire, c'est qu'on se fout complètement des aspects humains. Quid des victimes? Va-t-on le remettre en service sous le même nom? Le barbouiller pour ne pas "inquiéter" les futurs clients? Va-t-on même aller jusqu'à le renommer pour qu'on oublie le passé de ce paquebot? Qui irait dormir dans une cabine où, potentiellement, des gens sont morts noyés? Je doute qu'il y ait tant de téméraires que ça...

Concordia, tu es comme notre monde... sur le flanc, hésitant entre le fond des mers et le port pourtant si proche!

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