18 novembre 2013

Le conspirateur qui prépare ses horreurs

La vox-populi a un sens de l'humour très étrange. Elle adore tout ce qui n'est pas ordinaire, tout ce qui est bizarre, inquiétant, sournois, tout ça pour le plaisir quelque peu malsain de croire qu'elle a le contrôle sur la Vérité. Pourquoi est-ce de l'humour involontaire? Parce qu'il est comique d'espérer contrôler quoi que ce soit, tout simplement! Le concept même de conspiration pose énormément de soucis, notamment parce qu'il sous-entend le secret et la dissimulation, ce qui par essence rend au mieux très difficile d'en vérifier l'existence, au pire de faire avaler à la foule qu'il y a des conspirations là où il n'y en a pas la moindre. Me concernant, l'Histoire a de quoi nous donner quelques leçons sur le "Petit précis de conception et mise en oeuvre d'une conspiration qui fonctionne"... ou pas.

L'Histoire récente est splendide à ce propos, ceci grâce du réseau Internet. On a donc tout un tas de sites qui colportent autant de l'information, que de la propagande à peine déguisée pour faire de nos chefs d'état des monstres et des experts dans la modification volontaire des médias. Des exemples? Le 11 Septembre, les armes de destruction massive en Irak, les écoutes du réseau par les USA, ou encore les actions douteuses des services secrets un peu partout dans le monde. Allons encore plus loin: Kennedy, Pearl Harbour, le fait de marcher sur la lune, tout est susceptible d'être remis en doute, tant parce que cela donne au grand public le droit et la capacité de douter des dirigeants, que parce qu'il y a et aura toujours une population friande de théories du complot. Alors faisons un peu le tri là-dedans, et demandons-nous: cela est vrai, ou bien c'est complètement issu d'une sous-culture populaire aussi incompétente que paranoïaque?

Sommes-nous paranoïaques face à nos gouvernants? Non. Il s'agit bien d'un excellent réflexe de protection que de douter et de réfléchir sur chacune des situations et décisions prises pour nous et surtout en notre nom. Rien n'est pire qu'une population complètement apathique qui se laisse mener comme des moutons, et rien n'est plus dangereux qu'une foule qui se moque de savoir "où" est la vérité. Cependant, entre saine réflexion et acharnement à chercher des complots là où il n'y en a pas... La marge est tout de même grande voire même gigantesque! Prenons trois exemples distincts et clairement symptomatiques: Les armes en Irak, le 11 septembre 2001, et l'assassinat de Kennedy.
Commençons par la plus flagrante des fumisteries, démonstration qu'un complot peut être totalement et lamentablement raté: les armes Irakiennes. Il fallait un prétexte aux USA pour aller coller une rouste au seul des despotes refusant de traiter avec eux, et quoi de mieux que des stocks d'armes dangereuses? Alors, allons-y pour des cartes, des clichés, des "rumeurs", le tout soutenu par la presse mondiale, et vous avez là le creuset idéal pour légitimer des bombardements et autres attaques "préventives". Sauf que l'incompétence notoire des gens ayant mis en oeuvre ces faux grossiers a donné de quoi se moquer au monde entier, si cela pouvait être comique de faire pleuvoir des bombes sur un pays. En gros, on a là de quoi légitimer les craintes de la foule, malheureusement. USA, manipulateurs? Oui, mais visiblement parfaitement incompétents dans le domaine!
Passons au suivant, qui oscille entre le vrai, le faux, le manipulé et surtout l'invérifiable. D'ici quelques jours, cela fera 50 ans que Kennedy est mort à Dallas. L'homme, symbole des sixties, représentant d'une politique anticommuniste et fortement progressiste malgré tout, est aujourd'hui encore levé en héros de la résistance contre le Kremlin, tout en étant un personnage cherchant à faire avancer son pays. Sa mort, aussi choquante que violente, a fait trembler le monde entier, et rapidement on a cherché à savoir "qui", et surtout "pourquoi". En se penchant sur ce qu'on peut affirmer sans trembler, c'est que Kennedy était comme tout homme (politique ou non), à savoir faillible, parfois incapable d'admettre qu'il se mettait en danger, et surtout cerné par des ennemis aussi bien politiques que hors de celle-ci. Dans l'ordre? Entre des Cubains lâchés lors de la baie des cochons, des militaires US craignant de se voir couper les vivres par des réductions de budget, d'autres militaires US inquiets de devoir se retirer du Vietnam (ce qui aurait été un aveu d'impuissance, aussi humiliant que réel), des membres de son entourage globalement mouillés dans des affaires plus ou moins sordides, et des communistes (dont Castro en tête) cherchant à se venger d'une énième tentative de putsch dans l'ile de Cuba, et pour finir la CIA humiliée d'avoir à se restructurer pour que le président puisse en reprendre un peu le contrôle, il y avait de quoi faire! Dans le genre bestiaire des pires ennemis, on peut dire que le président Kennedy s'en est fait une belle sélection. A partir de là, que sait-on également: peu de choses finalement, parce que tout semble trouble, flou, et surtout incohérent. Oswald pouvait-il réussir ce tir? Potentiellement, oui, tout dépend de la configuration du tir. Des experts s'opposent depuis cinq décennies sur la question, notamment pour la première balle tirée contre le cortège. Oswald était-il seul? Selon cette même analyse, on pourra dire oui ou non, et donc affirmer, ou pas, s'il y a eu complot. Oswald a-t-il revendiqué son crime? Non, et cela représente un souci, puisqu'il n'a jamais dit quoi que ce soit pouvant inviter à croire qu'il était le tueur. Qui a laissé entrer J.Ruby qui l'a tué avant même son procès? Pourquoi a-t-il pu approcher Oswald et l'abattre ainsi? Toutes ces zones d'ombre, toutes ces tergiversations peuvent mener à s'interroger sur la possible existence d'un complot. D'ailleurs, je n'ai pas vraiment de conviction, car dans tous les cas je manque clairement d'éléments, puisque la plupart des preuves sont soit scellés, soit jamais retrouvées. C'est un cas d'école: la paranoïa ambiante alimente bien des théories, et ces mêmes théories trouvent des fonds de vérité dans les faits qu'on nous expose. De quoi faire tourner, pour un moment encore, les rotatives de la presse spécialisée ou des éditeurs, prompts à sortir un énième livre sur le sujet. Comme quoi, la mort d'une personne peut créer des dizaines de millionnaires...
Maintenant, passons à la dernière et la plus dramatique des situations: on a un attentat, gigantesque, monstrueux, où des milliers de personnes ont péri en quelques heures. Comment le voit-on? Deux tours qui s'effondrent, suite l'impact de deux gros porteurs dans leurs structures. Qu'y voit-on rapidement? Tout d'abord, l'oeuvre de terroristes convaincus, puis, quelques semaines plus tard, l'action souterraine des services secrets. Où est la vérité? Qui a raison, qui a tort? A mon sens, nous sommes face à une grande vérité humiliante et dangereuse, à savoir que malgré tous nos efforts pour faire preuve de paranoïa proactive, en scellant les communications, en surveillant tout le monde, on n'arrivera jamais à freiner les gens motivés et bien organisés. J'ai la quasi certitude que le 11/09 n'est rien de plus que la pire des preuves qu'un état ne peut pas tout vérifier, et que toute personne sûre d'elle arrivera à ses fins, d'autant plus si elle ne craint pas la mort. Alors, on va me passer des vidéos où l'on "voit" des bombes exploser dans les immeubles, des "études" prouvant que le tout ne pouvait pas s'effondrer... Arrêtons un instant: ce genre d'incident n'est jamais arrivé à une telle échelle, pas plus qu'aucun bâtiment au monde (si ce n'est les centrales nucléaires) n'est conçu pour résister à une telle catastrophe. L'horreur de ce carnage devrai suffire à nous faire admettre notre impuissance, tout comme elle ne devrait pas légitimer des réactions aussi dingues que d'aller en guerre contre le "terrorisme". Par essence, le terrorisme, c'est fonctionner en cellules, indépendantes, bien équipées et entraînées, et cela avec peu de membres. A quoi bon compter sur des bombardements massifs, quand les groupes en question disparaissent dans la foule comme des fantômes? Cet attentat a permis aux USA de légitimer leur présence dans le golfe, d'accentuer son emprise sur certains états, mais aussi de voir la faiblesse de cette nation, et à terme son échec cuisant dans ses opérations hors de ses frontières. Irak? Echec; Afghanistan? Echec; situation au Moyen-Orient? Une poudrière. De fait, le "complot", il n'a été que dans l'idée saugrenue qu'eurent les USA en tentant de contrôler un homme comme Ben-Laden, qui s'est empressé de retourner ses compétences acquises contre le pays initiateur... Quand on apprend à un homme à tuer, il ne faut plus jamais lui tourner le dos, sous peine de risquer de se prendre une balle!

Dans ces conditions, demandons-nous finalement où nous en sommes: à cautionner les dires de la toile sur tous les complots réels ou supposés, à colporter un discours paranoïaque et donc dangereux, j'ai peur que nous ayons perdus l'essentiel de vue, à savoir contrôler la véracité des théories. A l'épreuve des sciences, des analyses, bien des "complots" se voient démontés. L'exemple le plus risible reste celui du "On n'a pas marché sur la lune". Bien qu'il y ait une quantité délirante de preuves et d'explications, il y a encore des gens pour aller parler de complot de propagande, tout comme l'on a une masse ahurissante de gens s'acharnant à "prouver" que la mission Apollo XI a eu lieu en studio de cinéma. A votre guise, vous ne faites que faciliter la tâche à ceux qui manipulent réellement l'information. En criant trop au loup, le gamin y a laissé plus que sa dignité. De la même manière, à force de crier à la conspiration, toute nouvelle conspiration découverte s'en voit alors protégée, parce que ceux la dénonçant seront pointés comme des fous sans argumentaire solide. Quoi faire? Recouper, réfléchir, analyser, tester, protéger et surtout distribuer les preuves, au lieu d'aller communiquer à l'emporte-pièce. Nos dirigeants nous doivent des comptes, mais ce n'est pas pour autant que nous devons croire n'importe quoi. Là est toute la difficulté, là est le fondement même du pouvoir du peuple face aux états. Seulement... qui se portera garant de cette réflexion, qui sera la caution intellectuelle et morale pour prouver qu'on ne fait pas n'importe quoi dans les arcanes du pouvoir? C'est ma seule vraie question... si vous avez une réponse...

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