27 juin 2014

Analyse d'une plainte ridicule

Comme mes lecteurs peuvent le lire assez souvent, je n'ai guère de pitié, que ce soit avec moi-même qu'avec les autres. Ainsi, j'ai déjà vilipendé Le Hollandais Volant pour certains de ses propos, les estimant déplacés de mon point de vue. Ceci étant, cela ne m'empêche pas non plus de lui reconnaître de bonnes réflexions. C'est donc pour cela que je me permets de rebondir sur une autre de ses brèves, dont voici le lien ci-dessous.

La brève sur les plaintes de 40.000 étudiants concernant le BAC de mathématiques

Reprenons un peu l'idée de départ pour en parler : des étudiants se révoltent en grognant qu'un examen se révèle trop difficile, et que cela peut nuire à l'obtention de leur diplôme. Déjà, dans le texte, il y a un non-sens absolu: un examen est là pour sanctionner une compétence, permettre d'établir un niveau, et donc donner une vue "cohérente" des acquis d'une personne. De fait: si un examen est trop simple, celui-ci en devient soit inutile, soit tout simplement perçu comme inutile, puisque les futurs recruteurs feront un rapprochement légitime entre un diplôme quasi offert (puisque trop facile), et la potentielle incompétence de son détenteur. Rien que cette idée nous fait dire qu'il y a une profonde stupidité de la part des élèves de se plaindre de la difficulté d'un diplôme. Plus le diplôme est difficile, meilleure est sa perception de la part des gens amenés à en tenir compte!

Le second aspect fondamental est qu'il y a ce qu'on appelle un programme, qui est dans le principe une liste de compétences et de connaissances dont doit s'armer l'étudiant, ceci en vue d'obtenir son diplôme, puis par la suite d'avoir accès à des études supérieures. Cette liste n'a rien de secrète, et les ouvrages scolaires sont justement conçus pour couvrir l'intégralité dudit programme. Par conséquent, deux questions me taraudent... la première est élémentaire: les étudiants râlant contre l'examen ont-ils daigné ouvrir le livre de mathématiques pour voir ce qu'il contenait? La seconde, tout aussi élémentaire, est de s'interroger sur "Avez-vous pris le temps de suivre les cours, puis de réviser pour préparer le BAC"? Visiblement, j'ai tendance à revendiquer un non ferme et définitif. A mes yeux, il est hors de question de s'abaisser à négocier avec des étudiants bêlant ainsi, car visiblement c'est plus du domaine de la flemme intellectuelle que du vrai problème technique sur l'examen que relève la crise de nerfs.

On pourrait me dire de pondérer mes propos, ne serait-ce que parce que le cursus idéal n'existe pas. Entre un enseignant absent (pour de bonnes ou de mauvaises raisons), un autre qui se révèle être un très mauvais pédagogue, ou encore des cours bâclés menant à des trous dans le suivi du programme, il y a de quoi faire. Bien entendu, c'est l'étudiant en bout de chaîne qui pâtit de ces différents profils, mais je vais réinterroger ces mêmes étudiants "victimes", en leur demandant clairement: êtes-vous autonomes? Etes-vous curieux de nature? J'ai connu, bien malgré moi, la situation où le professeur se moquait ouvertement de suivre ses élèves, au prix d'une absence chronique de compétences acquises au fur et à mesure des mois. On en a tous soufferts, certes, mais l'attitude globale fut non pas de se plaindre, mais plutôt de bûcher, de chercher des renseignements, bref de ne surtout pas stagner dans un attentisme confortable et particulièrement nocifs. A l'heure de l'internet, l'excuse du "On n'a pas appris ça" ne tient plus réellement, puisque l'information, la connaissance, et même les correctifs des années antérieures sont accessibles en ligne! L'élève n'est pas une cruche qu'on doit remplir par devers sa volonté. L'élève se doit d'être l'éponge volontaire, motivée à apprendre, bref d'être moteur de sa propre réussite!

On met en accusation l'éducation nationale, la taxant de tous les maux concernant la jeunesse. Malheureusement, nombre de ces remontrances sont légitimes, au titre qu'il y a une attitude de laisser-aller dans ce secteur. Cependant, il faut bien se rendre compte que l'autorité de l'instituteur, du professeur n'a plus de vraie valeur, puisque l'enfant devient le roi absolu. Quand c'est le gosse qui détermine le fonctionnement de la classe, et plus l'enseignant, m'est avis qu'il est plus que délicat d'obtenir quoi que ce soit des élèves. J'ajoute également un aspect abordé par le Hollandais, même si je ne suis pas aussi noir dans ma façon de voir les choses: tant que l'on permettra aisément aux élèves de se distraire durant les cours, tant qu'un portable pourra sonner pendant les horaires normaux d'enseignement, la paix en classe n'existera pas. J'estime donc qu'il serait nécessaire d'instaurer la même chose qu'aux abords d'une prison, à savoir un brouillage pur et simple des émetteurs mobiles, afin de s'assurer du non-usage des téléphones pendant les heures de cours. On peut même envisager des plages horaires, à savoir un fonctionnement autorisé durant les horaires de pause, et un brouillage systématique durant les cours, à l'exception de salles "blanches", permettant au tout à chacun de passer un appel si celui-ci se révèle réellement nécessaire. Notez qu'il n'est pas utile de me parler d'urgence avec le portable: j'ai grandi sans le portable, et jusqu'à preuve du contraire, celui-ci ne m'a jamais manqué pendant que j'étudiais! Donc, merci de ne pas lancer de "Oh mais on peut en avoir besoin". La réponse est simple: non. La salle de cours doit être un sanctuaire, car l'instruction se doit d'être isolée de tout parasite extérieur.

Mon dernier point de réflexion se porte plus précisément sur l'impact de la modernisation de l'école, notamment dans les processus de fourniture des informations. Le net permet à tout étudiant d'accéder à des cours, mais également à des devoirs corrigés, voire même à des dissertations très faciles à copier. De fait, la question de fond qui se pose est de savoir comment faire passer le cap aux étudiants, tout en leur offrant un bagage intellectuel et culturel suffisant pour affronter la vie active. Il existe aujourd'hui des services payants qui se chargent de faire les devoirs des gosses, c'est dire la dérive qui est en train de se profiler! Me concernant, cela sous-entend alors deux axes fondamentaux de réflexion: l'apprentissage par la recherche, et l'examen uniquement dans le cadre de l'établissement scolaire.
La première orientation serait, selon moi, de pousser les élèves à chercher de l'information, ceci non pas en donnant des cours déjà formatés, mais en s'axant plus vers les capacités du net. Au lieu de donner des formules à résoudre par exemple, pourquoi ne pas pousser les étudiants à chercher l'origine des formules (Pythagore par exemple), et inciter à trouver des exemples pratiques d'usage de ces fameuses formules? Cela aurait pour principale vertu d'enrichir notablement et durablement la culture des élèves, mais également de sanctionner une prise de conscience et de responsabilité de chacun.
Le second point serait, selon moi, de ne plus avoir de devoirs à domicile, au sens où on l'entend aujourd'hui. J'ai la conviction qu'en replaçant les examens, devoirs et autres notations au sein de l'établissement, que celles-ci reprendraient de la valeur, et donc un sens dans le contrôle continu des connaissances. Prenons un devoir de mathématiques: durant une semaine, les élèves pourraient partager avec l'enseignant, apprendre les théories, avec des mises en pratique régulières durant les cours. Les "devoirs" seraient alors de chercher la source (comme dit précédemment), et ce n'est que la seconde semaine que seraient sanctionnées la bonne compréhension des sujets abordés. La philosophie, ou bien encore le français pourraient fonctionner de la sorte, avec un minimum à lire avant chaque cours, et des échanges constructifs durant ceux-ci. L'examen de compréhension seraient alors là pour valider de manière claire et objective les connaissances accumulées durant ces séances de formation.

Je peux paraître très rêveur, mais je crois qu'on est face à un énorme problème: la culture est aujourd'hui non pas accessible, comme on voudrait bien le croire, mais de plus en plus inaccessible, faute d'inciter quiconque à chercher. Trouver sans réflexion une réponse, ce n'est pas de l'accès à l'information, c'est du gavage d'oie gratuit. Je me plais à répéter un exemple stupide, mais particulièrement marquant. Prenez l'analyse d'un texte, où l'étudiant n'a pas accès à l'information par le net. Il sera tenu de relire, d'analyser selon ses connaissances, et donc de faire un vrai travail de réflexion. Maintenant, ce même étudiant a accès au net... il ânonnera bêtement ce qu'il a trouvé sur une page quelconque, quitte à recopier des stupidités sans nom.

Le net n'est pas un éducateur, il n'est qu'une vaste librairie où se côtoient sans contrôle des magazines people, Mad, le canard enchaîné, des fanzines, et des encyclopédies de haute volée. Comment y faire le tri? L'immense majorité de nos jeunes n'ont pas la moindre idée du sens et de la valeur de la recherche. Par analogie, quand ils cherchent, ils le font via un Google, et s'arrêtent aux trois premiers liens disponibles. Est-ce suffisant? Est-ce que cela rend inutile la lecture, la culture personnelle? Pas le moins du monde, au contraire même. L'école ne développe pas l'esprit critique, pas plus qu'il n'incite à réfléchir. Aujourd'hui, le bachotage est la norme pour l'obtention d'un diplôme. Cela ne remet pas en cause les informations ingurgitées (quoique... vue la propagande gauchiste dont on farcit allègrement les étudiants dans certaines matières...), mais bel et bien le format d'instruction. Oui, je parle d'instruction, pas d'éducation. Cela en fait bondir certains? Le français est pourtant clair sur ce point: éduquer, c'est enseigner des règles de vie, des façons d'être; l'instruction, c'est donner un bagage intellectuel et/ou culturel. L'école n'a pas pour rôle d'éduquer les enfants, c'est du domaine de la sphère familiale ça. De fait, tant que cette distinction ne sera pas clairement faite, nous aurons encore des enfants jouant les oisillons piaillant dans l'attente de la béquée, des parents bien contents de se délester de leurs responsabilités sur les enseignants, et des enseignants lassés de n'avoir pas le moindre pouvoir dans leurs classes.
Petit aparté: comment peut-on parler d'éducation nationale, (éducation...), alors qu'on parle d'enseignant (enseignement, instruction...)? Il n'y a pas là un gros problème rien que dans les termes?

Pour finir, les débats sur la qualité des examens, sur la valeur réelle des diplômes ne va aller qu'en s'intensifiant. Je vais donner un exemple particulièrement limpide qui vous poussera à réfléchir avec inquiétude sur le devenir de l'école. Quand un élève peut taper son devoir de français dans un traitement de texte, et que celui-ci lui corrige toutes les fautes grossières, est-ce l'élève qui comprend les corrections, ou bien est-ce finalement l'ordinateur qui devient le rédacteur du texte revu? Toute la question de base est là... et j'ai peur que cela devienne de plus en plus difficile de faire la distinction. J'espère sincèrement que l'on va se pencher sur ces questions, et accepter de faire une réforme enfin cohérente avec le quotidien des enfants. Le temps du monde sans le net n'est plus; le temps où l'enfant devait fouiner dans un dictionnaire, ou bien lire des articles entiers d'une encyclopédie est révolu. Alors, faisons évoluer, ensemble, l'école pour qu'elle offre des chances aux élèves, mais surtout qu'elle les incite à faire des démarches intellectuelles, ceci en lieu et place de quelques clics rapides sur un moteur de recherche.

1 commentaire:

Benjamin a dit…

Critiquer les enfants qui n'ouvrent pas les dictionnaires, c'est très bien, mais peut être faudrait il en ouvrir un soi même avant de chercher à jouer sur les mots.

http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/generic/cherche.exe?15;s=3609748125;;
Si l'on en croit le dictionnaire de l'académie, "éduquer" vient du latin edulcare (« élever, nourrir » ; « instruire ») et se définit par :
1. Donner à un enfant, à un adolescent, tous les soins nécessaires au développement et à l'épanouissement de ses facultés physiques, intellectuelles et morales.
2. Développer une faculté, une qualité, un sens, par un apprentissage approprié.
3. Enseigner, montrer les usages, les bonnes manières. Surtout au participe passé.

http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/generic/cherche.exe?15;s=3609748125;;
Voyons les définitions d'instruire, donc :
1. Prodiguer un enseignement, des leçons, des préceptes à quelqu'un ; éduquer, former l'esprit par un enseignement.
2. Informer, avertir ; donner connaissance à.

Les deux termes possèdent la même sémantique, en ce qui concerne l'élévation intellectuelle par l'enseignement. En cela on peut considérer qu'ils appartiennent au même champ lexical.
On en conclut donc que le terme "éducation nationale" est parfaitement cohérent, certainement encore plus si l'on place le terme dans le contexte et l'époque qui l'ont vu naître.



En ce qui concerne votre réflexion sur le traitement de texte, elle se résume à demander qui, de l'outil ou de celui qui le manipule, est le véritable créateur. Comme toujours dès qu'il s'agit de questionner l'outil informatique, il y a perte de rationalité : ne se poserait pas, par exemple, la question de savoir qui, du poète ou du dictionnaire des rimes, est le créateur d'une oeuvre.

Quant au bachotage, il n'est pas la norme aujourd'hui, mais la norme depuis toujours (c'est même le principe fondateur des grandes écoles françaises : la formation de singes savants). La seule différence c'est qu'aujourd'hui Internet, en tant que mémoire collective accessible partout et à n'importe quel moment, a montré à quel point cela était absurde de confondre culture et intelligence.

Quant à l'autonomie, il y a contradiction dans vos propos. Si l'on en croit vos dires sur l'instruction et l'éducation, ce n'est pas à l'école de rendre les élèves autonomes, puisque l'autonomie n'est pas un bagage intellectuel mais une façon de se comporter. Il reviendrait donc aux parents de rendre leurs enfants autonomes. Comment, dans ce cas, peut on leur reprocher cette absence d'autonomie, puisque rien ne les a obligé à en faire preuve ?

Enfin, il faudra nous en dire plus sur cette fameuse propagande gauchiste, si répandue dans certaines matières (lesquelles ?).